Second album pour Elena Tonra et Daughter où le groupe évolue sans rien révolutionner.Ni surprenant, ni honteux… Des impressions partagées pour un album qui révèlera ses charmes aux plus persévérants.
Le problème car il y a un problème comme il y a toujours un mais… Le problème donc avec une certaine scène Dream Pop qui doit autant à Cocteau Twins qu’à Slowdive, c’est que justement ils leur doivent beaucoup.
Pourtant, pour les plus vieux d’entre nous, rappelons nous pour certains notre amusement rigolard à l’écoute de Just For A Day ou encore Souvlaki…
Non mais écoute moi ce pompage de The Cure, Ouha lala, et puis cette guitare saturée, quelle esbroufe !!!
Cachez cette guitare que je ne saurai entendre !!! Vilains petits Tartuffe que nous étions alors …
Pourtant force est de reconnaître que Neil Halstead et les siens ont ancré leurs points de suture en nous depuis. Qui n’a pas pleuré à La Route Du Rock lors de leur reprise de Syd Barrett, Golden Hair est au choix un menteur, quelqu’un qui n’était pas là, un sans coeur.
Alors les ricaneurs d’hier peuvent bien se transformer en adorateurs d’aujourd’hui. Que l’on soit clair, je ne déroge pas à la règle.
N’y a t-il pas mieux que la mauvaise foi dans nos discussions de passionnés de musique ?
Vous savez, ce comportement si commun qui nous fait jeter aux chiens au premier faux pas ces artistes dont nous idolâtrions encore la veille le travail ou encore ceux-là dont on prétendra un jour n’avoir jamais pu supporter l’univers quand ils deviennent vendeurs…
Non non , ne me dites pas que vous n’avez jamais eu pareille pensée… Non, non et non… Attention, je vais donner des noms.
Not To Disappear fait suite à If You Leave sorti en 2013 qui révéla la musique de Daughter, tenue à bout de bras par ce petit oiseau blessé que semble être la frêle Elena Tonra.
Sur leur premier album, on y retrouvait cette évidente affiliation avec le groupe à Liz Frazer, à celle de Slowdive. On y trouvait une douleur light, une angoisse 2.0, jamais désagréable mais jamais dérangeante non plus. Un peu comme si la monotonie numérique de The XX s’alimentait plutôt de l’électricité.
Rien de dérangeant, rien de perturbant non plus. Un sens évident de la mise en scène sonore, les frissons délicieux où il faut et quand il faut.
Ce qui dérangeait chez Elena Tonra et Daughter, c’est la dimension maniérée, dans tous les sens du terme. Ce côté appuyé, ce voisin de chambre d’hôpital qui te dit « T »as vu comme j’ai mal ? », cette affirmation théâtralisée.
Par maniérée, entendez aussi à la manière de… Une manière talentueuse mais une manière quand même. Rien de surprenant à les voir dans le catalogue de 4AD tant l’évidence est là.
Une manière de copiste sans aspérité, sans fêlure… Joli, touchant mais… Car il y a toujours un mais
Car je suis endurant, j’étais curieux de ce que Daughter nous proposerait sur ce second album.
Il faut bien reconnaître que Not To Disappear n’est pas la redite de son aîné. Pour autant, rien de plus révolutionnaire dans ces nouvelles chansons.
Plus de lumière sans doute, moins de paroxysme dans le discours, plus de sobriété dans le chant.
Tout cela n’empêche pas quelques facilités, du mal nommé New Ways qui n’en finit pas de commencer à la copie carbone de Youth sur Numbers, l’album pourrait tomber des mains du trop impatient ou du trop empressé et il aurait bien tort car il manquerait quelques bons moments.
Doing The Right Thing enfin dans un équilibre où la fragilité du chant d’Elena Tonra rappelle l’androgynie étrange de Victoria Legrand. Enfin hantée, la maison de Daughter, enfin habités ces murs aux oreilles ouvertes.
La martialité de How qui vous renverra immanquablement à vos adolescences cold-waveuses avec ces mèches qui barraient l’arrogante timidité de votre regard.
Certes Elena Tonra n’est pas Rachel Goswell ni Kate Bush. Elle n’a pas cette saveur mi radieuse, mi sourde mais elle nous jette des effluves de sensualité de petit moineau maladroit tombé du nid.
Les impétueux qui n’auront pas laissé sa chance à Not To Disappear manqueront de peu les états de grâce comme ce Mothers qui doit autant à Sigur Ros qu’à Son Lux ou le dub larvé, hypoxique de Alone/With You.
On passera sur un « No Care » accessoire pour se laisser happer par le presque Pop To Belong que ne renierait pas Houses quand Fossa chasse sur les terres de The National.
Il y a ce Made Of Stone, arrache cœur à la formule mille fois employée mais qui fonctionne toujours… Formule éculée, facile mais parfois de la facilité naissent les grandes émotions.
Certes, Elena Tonra n’est pas Rachel Goswell ni Kate Bush. Sans doute, ne le sera t-elle jamais ? Mais on s’en fiche car malgré les facilités, malgré les maladresses, on ne cessera pas de se consoler de ce monde sans enthousiasme dans cette empathie douceureuse…. Douce …. Heureuse…
Greg Bod
Daughter – Not To Disappear
Label : 4AD
Sortie : 15 janvier 2016