Avec un son froid, presque malade, à la source duquel on revient malgré tout s’abreuver, Tropical Horses entretient notre fascination pour un shoegaze perturbant et moderne, mélange de guitares saturées et d’électronique déviante.
De Tropical Horses, on se souvient en particulier de ce split EP dont il partageait l’affiche avec Princesse et de ce Is This Love, parfait condensé de son univers musical, sorte de rêverie psychédélique mêlant touches électro et envolées pop. Avec Mirador, le rennais poursuit ses expérimentations sonores dans un style plus abrasif, se rapprochant un peu plus de la palette sonore d’artistes tels que The Horrors ou même Koudlam. Un art complexe et bruitiste, pas avare d’expérimentations sonores en tous genres mais qui a ce pouvoir de nous faire sentir et comprendre l’ineffable. Dès Satanic Prayers, la splendide ouverture de Mirador, on entre dans un capharnaüm destructuré où chaque son semble avoir été trituré, distordu jusqu’à l’épuisement, faisant monter l’adrénaline jusqu’à atteindre la transe tant espérée (au bout de quatre minutes de préparation).
Tropical Horses ne se contente pas de resservir les recettes éculées du shoegaze, il s’en sert plutôt comme d’un outil pour faire résonner son rock malade mais créatif, nourri de musiques électroniques voire industrielles et de protopunk (Alan Vega en tête). Max-Antoine Le Corre (son nom à la ville) porte en lui une pulsion minimale, celle du rock décadent, un art brut et régressif, capable de nous entraîner dans une danse satanique comme sur l’entraînant Dead Gaze Exorcism. Mais le jeune homme montre qu’il est aussi capable de nous caresser dans le sens du poil avec des tendres mélopées comme sur Here Comes Your Ghost, sans renoncer pour autant à l’excès de réverbérations sonores et au télescopage de boucles synthétiques planantes.
Tel un chamane des temps modernes, Tropical Horses nous fait tourbillonner dans un climat musical cataclysmique, son chant et ses trouvailles musicales en appelant à la transe et invoquant les esprits surnaturels, qu’ils soient bienveillants ou maléfiques, comme sur le troublant Rivers of Sadism. De quoi nous accrocher pendant un moment le cerveau dans des contrées encore inconnues. La descente risque d’être difficile tant on prend plaisir à se laisser entraînés à une vitesse incontrôlable dans des virages à plus de 180 degrés, comme sur l’infatigable Wild Night. Pas sûr qu’on soit accepté un jour au paradis après avoir goûté à un tel fruit défendu.
Julien Adans
Tropical Horses – Mirador
Label : Anywave Records / Montagne Sacrée
Sortie : 23 février 2016