Eddy Crampes : le Hollywood Chewing-Gum de la variété française… une bouffée d’air frais, on l’espère, longue durée !
Le truc qui est bien avec la résurrection de la chanson-pop francophile – bravement épaulée, aiguillée même, depuis deux ans par les compiles de La Souterraine –, c’est qu’avec les travaux d’extension de la berge, de vilains petits canards boiteux mais décomplexés, qui jusque-là n’avaient pas trop eu l’occasion de poser leurs petites palmes malhabiles sur la grève humide, arrivent enfin à accoster et faire leur nid. En d’autres circonstances, ils se seraient probablement noyés dans la vase-masse de cette mare d’indifférence crasse. Mais… et c’est tant mieux… « les temps oui ils sont un changement » et la flaque d’eau, jusque-là putride, s’est métamorphosée en malle aux trésors du grenier de grand-papa et grand-maman. Alléluia Gloire à Jesaispasqu(o)i !
Tu as beau avoir énormément de talent… ce qui compte… c’est le timing ! (sic…)
Eddy Crampes fait partie de ces miraculés ! Un an après sa Mostla de Noël couvée par La Souterraine (donc…), c’est au tour d’Objet-Disque (donc aussi…) de faire une nouvelle fois office de second sasse – après Barbagallo, Le Bâtiment, Rémi Parson, Chevalrex ou Requin Chagrin – et de le prendre sous son aile afin de sortir l’éponyme… Eddy Crampes : 12 titres dont pas mal déjà figuraient sur le précédent opus dans des versions plus dénudées.
Derrière ce pseudo étrange tout droit sorti d’un épisode de Starsky et Hutch à col roulé orange et gilet tricoté se cache un sacré mélodiste-arrangeur-bricoleur, à la voix de crooner et aux textes décalés, taquins, émouvants et poétiques… une espèce de Jacques Dutronc barbu, fouineur hors-pair capable de dénicher et réadapter des pépites comme le Come See Me Tonight de Daniel Johnston – que j’ai découvert à cette occasion… merci – devenu le génial Viens Me Voir Cette Nuit.
Du superbe et classieux Automne à l’entêtant J’Aime Beaucoup La Musique, aucun rebut, que du bon avec mention « coup de cœur perso » pour Anouchka. Les voix des titres préexistants ont été pour la plupart refaites, les niveaux ajustés, la pression des pneus de la vieille guimbarde contrôlée afin d’harmoniser l’ancien avec le neuf. Ça donne une Variété deux cylindres en V majuscule, assez soixante-dixante, toute barrée, allant de la bossa-nova au vieux garage-rock plein de tremolo. De très chouettes programmations de machines habillent certains titres, sur d’autres ce sont cuivres et cordes, mais c’est, in fine, la belle voix côtelée façon veste de gentleman farmer d’Eddy Crampes qui fait office d’autoroute, de rails, à ces chansons pas vraiment classables mais indispensables.
Et tant que j’y pense… laisse filer la dernière piste, t’auras une petite surprise !
Stéphane Monnot
Eddy Crampes
Label : Objet Disque
Sortie : 15 janvier 2016