Première incursion dans l’univers du chanteur Santiago Aldunate, ici en trio, avec un Ep de chansons folk psychédéliques épatantes.
Santiago du Chili est une ville désorganisée, frénétique, et polluée. Une capitale terrible pour l’essentiel. Pouvons-nous dire la même chose de Santiago et son EP ? Un EP désorganisé, frénétique et pollué par des délicieuses saturations ? Ce petit chef-d’œuvre capital fait honneur à ce nom, connoté pour ceux qui connaissent, donnant du grain à moudre à ceux qui fantasment sur le cliché d’un pays lointain. Cette musique, et surtout la voix qui la porte, donne la sensation d’avoir un camarade bien de chez nous avec un air étranger, une plume détendue qui, comme la nouvelle tendance l’ordonne, est au service de la musique et du style. Cette douce voix qui « ne reviendra pas » nous balade dans différents paysages, différents timbres, avec une certaine fragilité et insécurité, elle nous raconte plein d’histoires, ne serait-ce que par sa versatilité et la multiplicité de couleurs et d’intentions.
On pourrait imaginer un monstre cyclope qui tente par moments d’être gentil, mais qui repart en monstruosité de façon impulsive. Ou un gros insecte comme on voit sur la vidéo de Le Tombeau, vidéo modeste, créative, délirante et à voir d’urgence si vous êtes dingues. Mais si vous n’êtes pas dingues ça peut passer pour du gore stylé.
L’adieu est un hymne, une belle chanson rendue floue par un son déchiré, un slow qui devient comme un cauchemar de Tarzan, avec une structure arbitraire qui marche très bien pour ceux qui apprécient la surprise, le psychédélisme de Cromagnon et les sonorités sauvages.
Le tombeau est le titre le plus viril du EP, aussi celui qui donne de la tonicité et l’envie de danser, celui qui nous rappelle la spontanéité d’un vieux Velvet mais qui a une énergie naïve adolescente.
Gilles est vraiment, on croit, une blague, mais c’est du sérieux, effectivement notre camarade opte pour le kitsch sans crainte, sans honte. Une balade vague qui nous donne l’impression de l’avoir déjà entendu beaucoup sans en trouver la référence, pas facilement. Comme dans d’autres passages d’ailleurs. Mais certains pourrait se rappeler vaguement d’un Luis Alberto Spinetta ?
L’aurore porte le poids d’être un sorte de tube, par la composition de base plutôt tape à l’œil, mais complètement massacré par des interludes et déconstructions abruptes, hippies et molles. Un chanteur quelconque aurait juste appuyé sur le bouton « country » ou « variété » et le titre aurait duré moins, mais là on est devant un musicien primitif, impulsif, vif et corrosif qui peint de paysages improbables et maladroits sur une toile sonore qui ne cherche pas à plaire pour plaire mais qui se donne dans l’état pur sans méditations.
Après tout peut-être que nous nous retrouvons à écouter un disque qui peut être jugé ringard, déformé, ou bizarre tout en étant très chantant mais qui dégage un charme inexplicable que quelques personnes sensibles apprécieront beaucoup et attendront des nouvelles et des live fous. A voir. A sentir.
Amaltrolite Astral
Santiago – L’aurore EP
Label : Gonzaï
Sortie : 29 janvier 2016