Avec Naufrage, paru sur le label Atelier Ciseaux, LenParrot sonde avec poésie l’étrangeté du vivant et nous offre encore une fois, un de ces disques qui change tout.
On s’était déjà extasié à l’écoute de la pop atmosphérique à l’esthétisme soigné de LenParrot aka Romain Lallement, sur son premier EP Aquoibonism. Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour en découvrir la descendance. Naufrage ouvre de nouvelles perspectives tout en maintenant l’enchantement initial. Il faut dire que le nantais a su se construire patiemment un univers musical singulier, introspectif et épique à la fois, une pop de chambre synthétique et hors d’âge. Naufrage poursuit donc le journal émotionnel entamé par son prédécesseur Aquoibonism, tout en donnant encore plus de place à cette voix haut perchée, véhicule d’une grande sincérité, avec ses éraillements et une vulnérabilité perceptible dès les premières notes de The Hidden Track, qui contrairement à ce que le titre laisse à penser, ouvre majestueusement ce nouvel essai.
Portée par la production soignée de Maethelvin et Olivier Deniaud, la musique du nantais dévoile un sens de la composition sidérante, placée sous une forte influence cinématographique. Pas étonnant alors de retrouver Johanna Benainous et Elsa Parra, à la réalisation des vidéos illustrant les titres Amadeo’s Wife et Devot. On retrouve avec plaisir ce fil ténu entre réalité et fiction, ce souffle poétique capable de transformer des scènes presque banales (une balade en forêt, le fracas des vagues sur les rochers) en imageries abstraites, empreintes de réminiscences cinématographiques, un trait d’union entre Hitchcock et les films d’horreur.
« Les personnages représentés sont tous banals, et pourtant nous rappellent tous quelqu’un » explique Johanna Benainous, à propos d’une de ses récentes expositions de photos. On pourrait dire de même des chansons de LenParrot, des odes poétiques tellement habitées qu’elles nous font sentir moins seuls, malgré leur mélancolie apparente. La présence de Julien Gasc sur Oath, part 2, le titre de clôture de Naufrage, ne fait que renforcer ce regard distancié sur la réalité, à la fois fataliste sur notre condition de simple mortel, tout en conservant un sens de l’auto-dérision et un recul vital et amusé sur tout ce qui nous entoure. Un émerveillement de l’ordinaire en quelque sorte. « Sur la vie on ne peut écrire qu’avec une plume trempée dans les larmes. » écrivait Cioran. Comme un rappel tout aussi jubilatoire que désespéré, que notre seule marge de manœuvre est d’accepter le destin, accepter le désespoir, mais aussi rire et danser. Voilà très certainement l’histoire que nous raconte LenParrot dans le bien nommé Naufrage.
Julien ADANS
LenParrot -Naufrage + Aquoibonism
Label: Atelier Ciseaux
Sortie: 11 Février 2016