Inspiré de faits réel, Ce drame social signé Emmanuel Finkiel est un grand film dépressif dont on ne ressort pas totalement indemne.
Rien ne va dans la vie d’Eddie Moreau (Nicolas Duvauchelle, hallucinant avec son p’tit air de Patrick Dewaere. En espérant qu’il ne sera pas le grand oublié pour les Césars 2017) : sans emploi, il est également séparé et en froid avec sa femme Karine (Mélanie Thierry). Un soir, il se fait planter au tournevis par des racailles, tout ça à cause de sa fichue fierté masculine et les beaux yeux d’une nana qu’il connaît à peine. Gravement blessé et hospitalisé, cet événement le rapprochera de nouveau de son fils Noam et de Karine, cette dernière lui dégotera même un CDD de carriériste à son boulot – elle est vendeuse dans un magasin d’ameublement – grâce aux bonnes relations qu’elle entretient avec son directeur, peut-être même un peu trop au goût d’Eddie. Par ailleurs, il désignera à tort Ahmed comme l’auteur de son agression (qu’il avait aperçu dans un autre contexte quelques heures avant le drame) et même s’il sait qu’il a commis une erreur, il préférera se complaire dans ce mensonge, l’emmenant vers une spirale négative et démontrant qu’il n’est qu’un pleutre, un couard, un salaud.
Le thème musical particulièrement anxiogène et réussi pourrait laisser croire qu’on à affaire à un vigilante movie comme on en a vu fleurir dans les années 70/80 (il est vrai que certaines thématiques du film y prêteraient), mais « Je ne suis pas un salaud » est un drame social inspiré de faits réels – un ami proche du réalisateur, un Ahmed justement, désigné à tort d’une agression – s’intéressant non pas du point de vue de l’accusé, mais de son accusateur. Emmanuel Finkiel ne livre pas totalement les détails du passé de son anti héros, mais on devine qu’il n’est pas un saint : sa gouaille, ses tatouages (ceux de Duvauchelle qui ont été intégrés intelligemment au scénario), son tempérament colérique (dont son fils en fera les frais dans une scène angoissante), son addiction à l’alcool ou sa passion pour le tir trahissent sa personnalité trouble. On le soupçonne d’être raciste puisqu’il jette des regards méprisants à l’égard d’une certaine catégorie de personnes à plusieurs reprises : un ouvrier à travers la vitre d’un bar, une famille dans les bouchons à travers la vitre de sa voiture ou le fait qu’Ahmed ait réussi à décrocher un CDI , ils sont tous coupables d’être maghrébins et d’avoir réussi leur intégration sociale.
Certes, il s’y distille un malaise ambiant, mais sans pathos, ni misérabilisme, le réalisateur nous montre les tenants et aboutissants de cette inéducable chute sociale en focalisant essentiellement sa caméra sur son protagoniste, comme s’il voulait que l’on se mette à la place de cet homme empli de rage, prisonnier d’une bulle prête à se fissurer à tout moment de l’intérieur dont le point d’orgue est ce dernier acte, peut-être l’un des climax les plus glaçants vus dans le cinéma français récemment.
Idoine pour flinguer n’importe quelle belle journée, « Je ne suis pas un salaud » est un grand film dépressif dont on ne ressort pas totalement indemne, nous laissant encore groggy des jours après son visionnage.
Daniel Yeang
Je ne suis pas un salaud
Film français de Emmanuel Finkiel
Avec Nicolas Duvauchelle, Mélanie Thierry, Maryne Cayon plus
Genre : Drame
Durée : 1h51min
Date de sortie 24 février 2016