Articulé autour des compositeurs Pat Barrett et Joe Chester, la musique des irlandais de The Hedge Schools ravira les fans de The Apartments et de The Blue Nile.
On sait peu de choses de The Hedge Schools, projet de Pat Barrett et Joe Chester, tous les deux de Dublin. Composé à quatre mains, cet album est la réunion réussie de deux sensibilités, ces tous petits miracles que permet la Pop. L’addition de deux visions de la musique, de textes tout en retenue et pudeur de Pat Barrett. Ils sont accompagnés et épaulés par Donagh Molloy (trompette) et Kevin Murphy (violoncelle) aperçus sur scène avec Lisa Hannigan ou encore Adrian Crowley. Ce que l’on sait, c’est que cet album, At The End Of A Winding Day, est un miracle de perfection. A l’écoute de ces neuf titres, on est saisi par cette maîtrise d’une forme d’artisanat, d’ouvrage repris et repris minutieusement à ses heures perdues.
Ces chanteurs qui jamais ne vivront de leur musique et qui par conséquent y lâchent tant d’eux-mêmes. Chez Pat Barrett et Joe Chester, il y a du Steve Adey, auteur de deux albums bien trop méconnus mais ce qui frappe très vite derrière les sons de cette trompette qui ouvre le disque et qui ne dépareillerait pas au milieu des climats crépusculaires de Chet Baker, c’est la beauté de la voix de Pat Barrett qui renvoie à celle de Paul Buchanan des Blue Nile. Paul Buchanan qui fut longtemps à la Pop ce que fût Terrence Malick au cinéma, un obsessionnel du détail , à la production exemplaire mais rare. Ne peut-on pas dire finalement que si l’on devait retenir des noms inusables de la Pop Anglo-saxonne, à coup sûr, on y trouverait Michael Head, Paddy Mac Aloon, Paul Buchanan et Peter Milton-Walsh .
Ces quelques types qui donnèrent à cette musique de l’instant une certaine forme de maturité, comme une forme de distanciation. Ces types qui se réclamaient plus de Cole Porter que de Ray Davies. The Hedge Schools est de cette école musicale là, de cette communauté d’êtres lumineux. On y croise une celtitude qui donnera envie de réécouter les disques de Chris Thomson avec The Bathers.
Ni vraiment datées, ni avant-gardistes, ces chansons qui forment At The End Of A Winding Day sont avant tout une collection de titres sublimes. Du dépouillé mais bouleversant Winter Coat au troublant Halo, on entre dans ces symbioses intactes avec les quatre minutes d’arrêt du temps.
Êtes-vous déjà arrivé dans un petit village isolé ? Vous savez, ces petites places où la vie cumule autour d’un vieux café. La porte s’ouvre à votre arrivée dans un petit bruit clair de carillon rouillé alors que toutes les têtes se tournent vers vous dans un jugement scrutateur.
On fera ensuite semblant de plus vous voir comme pour mieux apprivoiser votre présence. Il y a ceux qui sont plongés dans leur 4.21 et ceux qui battent les cartes. On vous perçoit comme une possible menace pour la routine… Puis on s’essaie à vous parler, tout d’abord timidement puis avec rudesse, on n’oublie pas de vous observer du coin de l’œil… Un plus audacieux vous offre un verre, on s’assied à votre table… De verre en verre, l’inconfort s’estompe, la chaleur de la cheminée dans le coin de la salle vous réchauffe. On rit avec vous, on finit par vous oublier.
Il en est de même pour certains disques, il faut savoir les approcher, les apprivoiser, les laisser venir tels qu’en eux-mêmes. At The End Of A Winding Day n’est pas de ceux-là, c’est plus le vieux Pub irlandais où la moindre pinte se partage comme l’éclat de rire ou le chagrin a oublier. C’est l’épaule rassurante de l’ami qui écoute. Pourtant Pat Barrett et Joe Chester sont des voleurs de moments qu’ils partagent avec nous. Ils déroutent les milles et uns tracas dans le brouhaha d’une foule et recyclent les craintes.
C’est quoi être Pop ? Sans doute c’est savoir saisir les moments, les réduire en une ou deux phrases qui résument une vie, fondre un océan en deux ou trois notes de Piano. C’est écrire sur l’inutile comme le dit mieux que nous Bill Fay. C’est savoir arrêter le battement d’un cœur, le résoudre au silence. At The End Of A Winday Day est un disque d’étapes, en constante progression mais Pat Barrett et Joe Chester nous laissent suffisamment de liberté pour aller à notre rythme tranquille.
La ligne est claire, les arrangements aussi. Ici, il est question de filiation et de télescopage. Entre le Folk de Nick Drake et celui de Bert Jansch, entre la langueur perturbée des Blue Nile et la splendeur de The Apartments, la musique de The Hedge Schools est un lieu de traits d’unions, de droites parallèles qui se rencontrent enfin.
Traits d’union, oui, car Pat Barrett et Joe Chester ont la clairvoyance de ne pas trop respecter le travail de leurs aînés et d’en faire autre chose, d’en faire un disque de Pop éternelle, d’en faire une simple merveille.
Greg Bod
The Hedge Schools – At The End Of A Winding Day
Autporduction
Sortie le 23 janvier 2015
autant de grâce et de maîtrise du son et du temps montre le savoir faire de ces musiciens en matière de distillation lente. Cette femme merveilleuse qui fait vivre des ombres semble être la continuation logique de cet ensemble. Merci à Greg Bod pour cet article délicieux. S’il y a une place pour cette musique elle ne peut être que dans un monde de sagesse spirituelle.