Avec Everything And Nothing, le duo américain amène leur post-rock ambient vers d’autres terres avec l’arrivée du chant dans des compositions qui tutoient le sublime.
Le simple terme de Post-Rock vous file une mauvaise migraine. Vous n’en pouvez plus des trop prévisibles montagnes russes sonores. L’Ambient vous endort plus vite qu’un court-métrage de Bela Tarr un lendemain de fête. Dans ce cas, ce nouvel album d’Hammock n’est pas pour vous. Non, décidément, il n’est pas pour vous et vous aurez bien tort.
Pour vous, le caractère passionnant de ce style musical s’est dissipé après la sortie des disques de Bark Psychosis ou de Tortoise. Le genre a refusé de se remettre en question, de modifier les codes, de les faire évoluer, de les bousculer. Avez-vous écouté les dernières sorties de Mono ou d’A Winged Victory For The Sullen qui doivent bien plus à la musique contemporaine qu’à des gestes d’esbroufe ?
De cette scène là foisonne une multitude d’artistes passionnants. On pensera tout de suite à Matthew Cooper d’Eluvium avec une suite de disques tous plus beaux les uns que les autres. On pensera au doyen Harold Budd qui n’en finit pas de faire la liaison entre les genres avec ou sans Robin Guthrie. Ce serait plus que réducteur de limiter l’ambient à du fond sonore d’ascenseur.
C’est bien plus que cela.
Ce neuvième album d’Hammock en est la réponse cinglante. On y retrouve tout ce que l’on aime chez les américains, ces boucles cotonneuses, ces ambiances légères. Pourtant pas de redite dans ce nouvel album. Bien au contraire. Pour preuve, ce Glassy Blue comme l’illusion de ce que pourrait être Slowdive en 2016, une humeur tendre.
Musique d’éveil et d’élévation, Everything And Nothing refuse les postures et les recettes faciles.
Il y a dans la musique d’Hammock depuis leurs débuts ce sens du mélo, vous savez, cette toute petite nuance à la frontière du trop et du pas assez. C’est pleinement assumé et parfaitement intégré.Il y a quelque chose de l’ordre de l’acteur qui surjouerait, de ces vieilles bobines de films muets avec ces surexpressions qui nous installent dans un autre espace temps, plus poétique, plus dégradé.
On y retrouve aussi ce côté rêve en cinémascope comme les japonais le font si bien dans leur musique. De Joe Hisaishi à Akira Kosemura, du label Schole Records qui propose des merveilles comme cette petite pépite inconnue de Motohiro Nakashima et son We hum On The Way Home de 2009
Musique de murmures, Everything And Nothing évoquera la magie de Piana ou les drones de Stars Of The Lid.
Musique aérienne, ces 16 titres semblent constitués comme une mécanique légère, vous transformant en un faucheur de marguerites, au rythme tranquille des montgolfières.
Pour autant, ce n’est pas parce que l’air semble tranquille qu’il l’est pleinement. Parfois, se nichent quelques dissonances comme autant d’indices d’arrières-salles à parcourir. On se surprendra à se croire dans un disque de Sarah Records (Blueboy, Field Mice), à y trouver une dimension Pop bien loin des penchants contemplatifs habituels.
Ce qui est rassurant avec ce nouveau disque d’Hammock, c’est qu’il ne cherche pas à nous rassurer ni à nous surprendre à tout prix. Il existe largement sans notes d’intention. Les atmosphères sont riches comme des chapitres nouveaux à chaque fois.
C’est une musique aux grands angles, une musique spirituelle pour ne pas dire teintée de mysticisme.
Ces disques là comme le Disintegration des Cure auquel on pense très souvent ici détiennent ces forces qui vous gagnent presque malgré vous. Ce romantisme des adolescences, aller se planter à la nuit tombée au milieu d’un champ d’été et compter les étoiles qui filent dans la nuit, faire l’amour dans un lit d’herbes hautes et entendre dans le plaisir de l’autre cette musique là.
Greg Bod
Hammock – Everything And Nothing
http://www.hammockmusic.com/home
Sortie le 01 avril 2016