C’est à Brest que la tournée de Dominique A s’est achevée avec un concert époustouflant de beauté et de générosité.
Une dernière date sur une tournée, ce n’est jamais quelque chose de commun. Dominique A ne déroge pas à cette règle avec un concert époustouflant à La Carène à Brest le 8 avril 2016 où, il prouve toute l’immensité de sa générosité scénique.
Ce n’est pas la première ni la dernière fois que l’on voit Dominique A sur scène. Pourtant, on garde en tête des dates plus marquantes que d’autres avec le A Majuscule. Il nous est tellement familier qu’il s’est inscrit dans notre chronologie intime. J’essaie de me rappeler le 1er concert auquel j’ai assisté du monsieur. Je me souviens de ce minimalisme nihiliste, comme une posture pleine de morgue lors des premiers concerts période La Fossette.
Il bousculait un peu ce Rock français qui ne trouvait pas sa voie entre imitation et surplace. Lui proposait autre chose. Sur scène, c’était encore plus flagrant. Le concert, pour lui, était un terrain d’expérimentation. Il n’a finalement jamais dévié de cela. On se rappelle de cette technique des boucles sonores qu’il fût un des premiers à utiliser sur scène mais en leur donnant ce petit supplément d’âme qui en faisait autre chose qu’un simple effet de manche technique.
Dominique A a cette qualité qu’ont les grands créateurs. Proposer deux univers, celui du disque et celui des Live. On peut être subjugué et happé par un album de l’auteur du Courage des oiseaux et totalement hermétique à ses concerts tant la proposition peut être différente. Ce que l’on ne peut lui enlever, c’est cette générosité face à son public. Il n’hésite pas à faire des concerts de 02h30 avec ce même constance de vouloir nous toucher en plein cœur.
Certes, depuis quelques années, le public de Dominique A a grossi et gagné en ampleur. On est en droit de regretter l’intimisme des petites salles du passé. Pourtant, malgré cette foule qui se presse à ses concerts, il parvient à maintenir cette relation à chacun d’entre nous, un peu comme s’il s’adressait à nous tous, groupe et individu.
Ce soir du 08 avril à La Carène à Brest, il ne déroge pas à la règle. Dans le public, on sent les gens concernés et conscients qu’ils vivent un événement. Certains d’entre eux étaient là, il y a un an presque jour pour jour. Sa première date ici à Brest après une résidence artistique. Un concert long en bouche mais encore un peu chargé de ces imperfections, de ces maladresses des premières dates. C’était en même temps touchant de voir ce petit caractère emprunté de Dominique A ce soir-là, il y a un an et de voir un an plus tard combien il occupe la scène.
Ce soir-là, Arman Méliès, quand il entame son concert en première partie de son ami et influence revendiquée, il ressemble un peu aux oiseaux, à leur courage. Accompagné de son batteur qui n’oubliera pas de triturer des samples et autres machines, Jan Fiévé maitrise l’espace et le temps. Il en fait une structure chaotique, mouvante et belle… Un peu comme les ailes de l’oiseau sur le point de s’envoler, comme l’anticipation du vertige en devenir.
Choisissant de mêler puissance et émotion, Arman Melies répond magistralement à nos attentes, l’air de rien, presque en catimini, sans trop vouloir montrer. Un pouvoir de l’envoûtement entre hymnes de stade modeste (Constamment je brûle) et errances synthétiques (Sylvaplana)
On le sent lui aussi gagné par l’émotion, on le sent fier d’être là ce soir-là à clore la tournée de son ami Dominique A.
Le principal défaut, toutefois, de ce concert, c’est qu’il est bien trop court tant on aurait aimé continuer encore un bout de chemin avec lui.
Les lumières s’éteignent à nouveau dans la grande salle de La Carène et quelques instants plus tard, on entend la voix fine et douce de Molly Drake et son Happiness charmant qui vient rompre le brouhaha de la foule. On se presse devant, les éclairages si particuliers, lentement s’illuminent.
Dominique A arrive tranquillement sur scène, entouré de Boris Boublil, de Sacha Toorop et de l’élastique Jeff Hallam. Durant plus de deux heures et demie, il alternera entre les classiques, les tubes et les obscurs de son répertoire. Du forcément copieusement servi dernier album Eleor à Remué qui n’est pas délaissé, il prouve encore qu’il assume pleinement toutes ses périodes. Car finalement, plus qu’une discographie, c’est une œuvre que Dominique A constitue.
On ne sort pas indemne de L’Ocean ou encore de Marina Tsvétaéva comme des érosions tranquilles de nos émotions.
Ce soir-là, ce qui est de l’essence même de ces moments rares, de ces concerts d’exception, c’est cette envie évidente du groupe et du grand chauve de ne pas vouloir quitter la scène, de jouer avec le public, avec son impatience et ses envies. Dominique A a d’ailleurs une expression pour le public brestois, les Oh Merde brestois comme il dit avec malice. Ce gars gentiment aviné qui vient se coller à votre épaule et qui vous tient la jambe pendant des heures. Car un concert dans la vieille ville du Ponant est toujours fait d’accidents, de dialogues avec un public vivant et réactif.
Dominique A le sait très bien et en joue avec délectation et gentillesse, glissant çà et là, ici des mots d’esprit, là un petit hommage à une victime du Bataclan. Il n’oublie pas non plus son invité de la soiree en la personne d’Arman Melies, en nous rappelant combien dans un monde idéal, son ami chanteur devrait tutoyer les firmaments mais bon on n’est pas dans un monde idéal.
C’est dans le plus simple appareil qu’il reviendra pour un second appareil. Attention, évitons les malentendus. Par simple appareil, nous entendons bien sûr, armé de sa seule guitare et de sa voix. En l’espace de quelques minutes, le temps de deux morceaux, on croit revenir des années en arrière, du temps de ce spectacle aux Bouffes du Nord quand il venait défendre avec brio ses chansons sur scène en solo intégral, sans filet.
Le 08 avril dernier, il nous démontre encore toute l’intégrité de sa démarche, osant amener un public moins connaisseur de son travail vers la préhistoire de son œuvre en revisitant des titres bien moins connus.
Un concert de Dominique A à Brest est fait d’accidents. Ce soir-là ne fait pas exception à la règle. La fin de concert amène les réclamations habituelles de titres non chantés. Une fois n’est pas coutume, je sors de ma réserve habituelle pour y aller de ma demande. Je ne suis pas très loin de la scène et je lance dans un moment de calme passager un Endermonde à la volée. Endermonde, un titre méconnu de Dominique A qui figure sur son album de faces B, Les sons cardinaux. un titre absolument sublime qui comme nombre des titres inédits du chanteur mériteraient un plus grand éclairage.
Intrigué et visiblement content, Dominique A s’exécute. Pour un instant, pour un petit moment, au milieu de cette foule, j’ai cette impression puérile qu’il ne s’adresse qu’à moi.
Toujours généreux, toujours brillant, Dominique A nous emmène avec lui, bien loin…
Textes et photos : Greg Bod
Quand de tout vous serez lassés
Juste un canal à traverser
Rejoignez-moi
À Éléor
Avant que la vie ne se défile
Avant de gagner l’autre bord
Rejoignez-moi
À Éléor