Voici que point Vampire en pyjama, disque pour dionysos et livre-journal de Malzieu pour lequel tout le monde, et moi avec -forcément-, éprouve de la sympathie avant d’en avoir écouté la moindre note. Parce que bon, ce nouvel album quand on y pense il a bien failli ne jamais voir le jour, fut-ce sur une nouvelle major.
J’entretiens un rapport très largement complaisant avec Dionysos. J’ai déja essayé l’auto-psychanalise de cette propension à la sympathie pour la petite bande de Valence.
J’ ai bien quelques arguments en tête. D’abord parce que leur premier album m’a cueilli á l’époque de la fac de lettres, et qu’en ce temps là, la chanson française tentait un renouveau. Tandis que le parangons de la nouvelle hype vantaient les mérites des efficaces Fersen, Miossec, Ignatus, Diabologum, Dominique A… Du côté de la pop LEGERE en français il n’y avait pas encore grand monde au portillon si ce n’est une petite bande du sud fans des Pixies, de Nirvana et du rock bruitiste de sonic youth. Ils étaient seuls capables de vanter les mérites d’une coccinelle ou de comparer la lune à une rondelle de citron sur un coca cola. Je les ai aimés pour ça, pour ce je m’en foutisme de façade, pour cette fraîcheur post-adolescente pas encore sérieuse, pour cette bande à faire de la musique sans prise de tête.
Je les aime aussi parce que ce sont des chouettes humains, si si, qui ont rythmé sans le savoir, mon passage à l’âge de vieil adulte. C’est avec Babet, un soir de Cigale, que j’ai réalisé mon premier interview au téléphone mobile, en 2006/ 2007 par là, persuadé que ce gadget qui ne servait déjà plus qu’à téléphoner pourrait un jour favoriser le DIY journalistique. Avec elle aussi que j’ai étrenné chez TV5monde le premier module de ce qui deviendra ensuite les Franche Connexion sur le site web de la chaîne. C’est au hasard d’un post sur Twitter que ma fille s’est essayée a la critique cinématographique, interpellant Mathias directement pour lui dire que quand même elle n’aime pas trop la fin du film Jack et la Mécanique du coeur tiré du premier album / concept du « jack-in-the-box » de la chanson française.
Une sympathie aussi de retrouver, album après album, les mêmes valeurs sûres, les mêmes racines a peine parfois teintées de country témoin de la passion de Malzieu pour Johnny Cash.
Une sympathie qui m’a aussi, je l’avoue, un peu masqué que le dernier album en date bird and roll tenait moins d’un nouveau chapitre à une histoire arpentant les mêmes univers, sorte de Weezer à la française, mais bien plutôt d’un peu de fatigue mélodique et thématique pour un disque que j’avoue avoir assez peu réécouté depuis.
Or donc voici que point Vampire en pyjama, CD et livre, pour lequel tout le monde -et moi avec- éprouve de la sympathie avant d’en avoir écouté la moindre note. Parce que bon ce nouvel album quand on y pense, il a bien failli ne jamais voir le jour, fut-ce sur une nouvelle major. C’est que Mathias le pré quadra sautillant a bien failli rejoindre ses héros au paradis des rockeurs brisés, qui ont arrêté leur pendule à une heure définitive. Il répète inlassablement au fil des entretiens promos comment un gros coup de fatigue lors de la conception du matériel vidéo du précédent disque l’amène a faire un petit check-up… Qui lui diagnostique une aplasie médullaire, maladie rare en train de lui ronger les sangs. Le voilà parti pour une grosse année a l’hosto, en environnement aseptisé, à se faire littéralement changer le sang et sauver la vie par une greffe. Le disque, puis le livre-journal tiré de cette expérience, sont les témoignages artistiques de cette période afin que cette lutte pour la vie nourrisse le vécu du musicien, que la fécondité artistique naisse dans cet environnement stérile, pour donner un but à un combat qu’il ne pouvait pas présumer gagner. Le groupe travaille à deux vitesses, Malzieu compose sur sa guitare polishée au gel hydroalcoolique et au ukulélé ivre, le groupe propose des arrangements à distance. Merci internet.
Les histoires tragiques avec happy end donnent de jolis mélos dont se repaît la presse, mais ne fournissent pas toujours de bons romans ni a fortiori de bons disques et il est temps de revenir a plus d’objectivité critique. Oui mais voilà, le nouveau Dionysos est franchement plus réussi que l’essai d’avant. Comment veux-tu du coup que je ne lui accorde pas à nouveau mon amitié?
Il y a une certaine ironie pour celui qui a décrit jadis le destin d’un garçon avec une pendule à la place du cœur, d’être atteint d’une maladie qui touche son système circulatoire. Le destin est joueur. Le séjour a l’hôpital où son groupe sanguin remplace souvent son groupe de musique offre un champ sémantique tout trouvé á Malzieu qui prend, á son corps réellement défendant , la place de leader de son histoire et par la même occasion, du groupe entier. Le bonhomme compose des chansons faites d’univers un poil clairs-obscurs où les Tim Burtoniens vampires d’amour sauvent des chanteurs malades, où le dieu grec Dionysos appuie de sa re-naissance la métaphore de l’injuste moment présent, où quelques gloires de la chanson viennent faire du skate dans sa chambre d’hôpital à la faveur d’une charge de morphine anti douleur.
Le sort donne au nouvel album de Dionysos un coup de fouet sur la démarche générale du groupe qui sinon, aurait sans doute commencé a ronronner dans ses recettes habituelles: des personnages étranges qui sautent partout et se font des bleus au genoux -ok je caricature-. L écriture a ici un thème unique autour duquel Malzieu compose une sorte d’opéra rock pas tout à fait découpé en chapitres, mais presque. Le doute vital provoque une urgence de la forme, du rythme et des mots qui me rappelle pourquoi au mileu des années 90 j’ai été conquis par leur post adolescence enjouée. Nerveux, serré, urgent, le disque est une renaissance de fait. Il prend les ingrédients habituels, y insuffle une dose de drame mais aussi une sacrée ration d’ambroisie qui redynamise l’ensemble. Le groupe se met en formation serrée derrière son chef d’escadrille aux ailes criblées.
Le son fait la part belle au rock des débuts, ouvre son univers a quelques arrangements quasi electro, cantonne sa country à dire le blues qui ne sait s’il est déjà mort ou à nouveau vivant, même la reprise de Lykke Li, tout en folk, invite à suivre le Styx en blues, mais pas forcément à s’y noyer. Simple, vital, chargé d’un appétit de vivre qui a la classe de ne pas chercher ni l’apitoiement ni le misérabilisme. Ce disque va de l’avant, et le son est à l’avenant. Tout est ici construit comme s’il fallait aller vite ou forcer le sort. Encore une, encore une, semble marteler le disque à son auditeur. Et á ce petit jeu d’entretien avec un vampire, Dionysos retrouve au passage la verve et l’efficacité des débuts. Tous les titres sont immédiatement pop , immédiatement rock et restent coincés dans le ciboulot. Seule peut-être la Dame Ocles et son évidence métaphorique en parlé/chanté me laisse un peu de marbre, malgré son funeste rôle, le son est ici Dom Juanesque, fait d’arrangements mystérieux, et on sent y poindre le Malzieu littéraire plus que son double rock. Mais dans l’ensemble, putain, ça fait plaisir de se laisser aller à quarante ans à du rock pop torché, envoyé, entraînant.
Ce nouvel essai garde ma sympathie pour le groupe. Celui d’ aujourd’hui revenu d’entre les morts et celui d’hier quand je découvrais le groupe.
Bien joué .
Denis Verloes
Dionysos – Vampire en pyjama
Label: Columbia / Sony
Date de sortie: janvier 2016