Une savoureuse intrigue littéraire entre Saint-Germain-des-Prés et Crozon. Quand la Bretagne gagne même le petit milieu de l’édition.
Longtemps, je me suis couchée de bonne heure pour… Non, non, plutôt il fallait se lever tôt pour me faire lire un roman de David Foenkinos. Parce que l’auteur de La Délicatesse ou Le Potentiel érotique de ma femme me laissait… de marbre ! Entre de la chik-lit et du roman guimauve avec un soupçon de bubble gum, la prose de David me restait un peu sur l’estomac. Avec Les Souvenirs, il avait commencé à me séduire un peu. On en était au flirt doucereux. J’y vais. J’y vais pas… Oui. Peut-être… Puis patatras à nouveau avec Charlotte. David m’avait perdue. Définitivement, pensais-je. Ça sentait l’auteur qui voulait faire sérieux. Comme s’il avait enfilé un costume bien trop grand pour lui. Avec Le Mystère Henri Pick, le romancier offre un polar littéraire surprenant et néanmoins séduisant.
Le Mystère Henri Pick ou une fine analyse de la fabrique d’un succès. L’histoire ? Une jeune éditrice, en vacances en Bretagne, tombe sur un chef-d’œuvre dans la bibliothèque des livres refusés. Elle part à la recherche de l’écrivain et apprend qu’il est mort deux ans auparavant. Selon sa veuve, il n’a jamais lu un livre ni écrit autre chose que des listes de courses… Aurait-il eu une vie secrète ? L’idée est très bonne. Le procédé littéraire est malicieux. De la pure fiction sans effet de manche qui fonctionne à plein régime. Pour une fois, David Foenkinos n’en fait pas trop. Son histoire, tordue juste comme il faut, ne reste pas sur l’estomac. Pas d’indigestion ce coup-ci. Je dirais même plus : on en reprend une deuxième louche !
Même son style se fait plus léger. C’est cadencé. C’est rythmé. Il raconte ses personnages avec bienveillance et décrit les paysages bretons avec sympathie. Et surtout ce roman est bourré de bonnes idées à ne pas mettre entre les mains de tout éditeur. Le chacal qui sommeille parfois en lui pourrait se réveiller. David Foenkinos s’amuse à rêver, ou plutôt à cauchemarder, de l’organisation d’une journée des auteurs refusés. Ou d’un bandeau arguant : « Livre refusé par 20 éditeurs : à lire de toute urgence ». Il s’amuse et nous avec. La malice en bandoulière. Pourvu qu’il ne retourne pas aux guimauves d’antan. Le Foenkinos épicé est un bien meilleur cru que le David sucré.
Delphine Blanchard
Le Mystère Henri Pick
David Foenkinos
Éditeur : Gallimard
288 pages, 19,50 €
Date de parution : 1er avril 2016