Tranquillement, presque distraitement, Ray Lamontagne est de ces auteurs attachants. On sait qu’il ne relève pas de la catégorie des génies mais on trouve toujours quelque chose à aimer dans sa musique. Ouroboros, son sixième album, n’échappera pas à la règle.
Il y a ceux qui brillent de toutes leurs facettes, strass et paillettes. Il y a ceux qui nous en mettent plein la vue à coup d’esbroufe, d’effets de manche. Il y a ceux qui pensent tout révolutionner en quelques notes, s’imaginent-ils, bien senties. Et puis, il y a les autres. Les grands visionnaires, les uniques que d’autres apprendront à conjuguer bien longtemps encore après eux. Ceux qui font unanimité, ceux qui divisent.
Ray Lamontagne ne sera jamais de ceux-là. Sans doute des catégories n’a-t-il que faire. Lui qui a débuté sa discographie il y a déjà 12 ans avec un Trouble inaugural qui rencontra tout de suite le succès public et critique. Une musique climatique, des atmosphères qui devaient tant au folk des années 70 avec sa voix haute perchée au falsetto désarmant.
12 ans plus tard, peu de choses ont évolué dans la musique de l’américain. Pourquoi modifier une formule qui fonctionne si bien ? Aucune envie chez lui d’aller éprouver ses ambiances à d’autres couleurs. Faut-il y voir une forme de paresse, de suffisance ? Sans doute pas. Plutôt, quelque chose d’autre qui relève du même ordre que le peintre qui retravaille cent fois la même forme, que le sculpteur qui malaxe le même visage dans l’argile pour atteindre à la perfection, au réalisme de la vie.
Finalement, Ray Lamontagne est sans doute en quête permanente de la chanson parfaite, en Don Juan qui se complairait dans l’envie de toujours mieux retranscrire le trouble. Chez lui, aucun génie mais une générosité qui emporte tout.
Ici accompagné de Jim James, le leader des excellents My Morning Jacket, il fait sonner son folk comme la rencontre improbable de Curtis Mayfield avec Nick Drake ou ailleurs semblant convoquer le spectre de Prince.
Ouvertement blues, Ouroboros est sans doute l’album le plus marqué temporellement de Ray Lamontagne. Certains titres sonnent presque progressifs tant le barbu à chemise à carreaux mêle des ambiances amples à une électricité maîtrisée. On pensera parfois aux Pink Floyd de Wish You Were Here ou plus récemment aux norvégiens de (Mount) Washington. Mais là où Ray Lamontagne reste le plus pertinent, c’est toujours dans ces balades éthérées, certes sans surprise mais avec ce petit quelque chose en plus de frisson, de vital.
Alors que Tony Dekker s’égare un peu dans une Pop sans saveur avec ses Great Lake Swimmers depuis deux albums, l’américain trace la même ligne tranquille avec cette musique presque facile, presqu’inoffensive.
Alors pourquoi se priver d’un plaisir, de ces plaisirs non-coupables un peu comme l’écoute des disques solo de Bryan Ferry dans les années 80. On les savait bien produits, presque sirupeux et sans génie . Pourtant, on y revenait souvent avec cette petite joie tranquille.
Comme ces petits groupes de seconde division du Rock américain pourtant si attachants, de Clem Snide à South San Gabriel. Ces suiveurs, ces Poulidor, ces éternels seconds qui se noient dans le peloton mais que l’on aime sans doute car nous aussi, nous en sommes de cette foule presqu’anonyme.
Ray Lamontagne ne sera jamais un génie mais un artisan, un orfèvre de la petite chose modeste et c’est déjà beaucoup.
Greg Bod
Ray Lamontagne – Ouroboros
Label : RCA Records
Sortie le 04 mars 2016