Quand deux artistes font des infidélités à leurs formations d’origine, pour s’en aller convoler en justes noces sur un album qu’on qualifiait avant de « side project » et aujourd’hui de « project » tout court, je suis forcémént intrigué. Quand en plus ces deux là trouvent le mot juste et l’art vrai, j’ai envie d’en parler dès avant le premier album.
Elle s’appelle Johanna. Elle porte le blond platine des égéries des années 50. Elle est Suédoise. Comme toutes les grandes blondes le sont. Allons, allons je peux bien me permettre un cliché comme seuls les sites média en ont l’habitude. Non ?
Lui, c’est Jean Felzine. Si vous êtes fidèle de ce webzine vous avez déjà eu l’occasion de croiser sa frimousse gominée d’Eddie Cochran ou d’Elvis à la française, parce que ce n’est un secret pour personne, je suis fan de Mustang, la formation mi rock sixties mi moderne mi molette qui devrait culminer au sommet du swag musical, que c’est à en désespérer des acheteurs de musique en 2016.
Ces deux là, étaient faits pour se rencontrer, tant esthétiquement que musicalement. Quand Johanna débarque à Paris, en pause de son groupe MAI, elle a son bagage un peu jazzy et une envie musicale. Trouver un musicien qui l’aide à mettre en son, son fantasme de chanson « à la française ». On lui présente Jean Felzine, qui prête parfois son talent en studio pour Séverin, ou à l’écriture pour Camélia Jordana. Le flash musical est immédiat. Il lui ouvre son univers country, elle l’initie aux subtilités du jazz comme on en trouverait que dans les vieux films de détectives. Ils décident de convoler musicalement. Leur duo « Jean et Jo » , « Jo & Jean » place les singles autoproduits sur des ep autoproduits avec des clips désargentés dont je suis déjà raide.
On attend toujours le premier album, qui assoie le duo dans les mémoires, la mienne assurément.
Jean écrit les mots de Jo, Jo ajoute une pointe de rouerie au second degré de Jean. Voici une femme, féminine jusqu’au bout des ongles qui chante des paroles à faire hurler les féministes, où les amantes se loveraient bien dans les valises de leurs beau gosses de chéris, pour les croquer du regard pendant leurs tournées à travers le monde. Voilà un duo où les amoureuses menacent de rester à l’auberge « des culs tournés », si les hommes ne se décident pas à redevenir les images d’Epinal qu’on leur reproche pourtant trop souvent d’être, au 21e siècle.
Musicalement les influences de Mustang sont perceptibles, mais y sont gommées toutes les accointances punk. On y repère aussi l’art de laisser le silence créer une atmosphère comme on l’imagine dans les films de Lynch, juste avant que déboule le nain en tuxedo rouge. Jo Wedin & Jean Felzine ont cependant trouvé une grammaire bien à eux. Ils se sont trouvés. Leurs voix s’enroulent parfaitement. Elles se complètent et s’enrichissent. En interview ils citent les Everly Brothers, et c’est vrai qu’il y a de cette fratrie dans l’harmonie des deux voix, quand elles poussent la mélodie. On pourrait aussi citer tous les duos talentueux de Nancy Sinatra et Lee Hazelwood à She & him, tant la richesse du duo provient aussi de cette complicité évidente qui transparaît quand le groupe joue live, et qui se ressent sur les morceaux. Des morceaux diablement addictifs qui augurent un bien bel album, sans doute autoproduit comme ce EP.
Denis Verloes
Jo Wedin & Jean Felzine : EP
Autoproduit
Novembre 2015