Dernier jour à Cannes avant le retour à la vraie vie. Au programme : le nouveau et très attendu Jeff Nichols, un film glaçant sur un apprenti bourreau dans les prisons de Singapour, plus quelques rattrapages.
Après le décevant Midnight Special, encore tout chaud, on avait hâte de retrouver Jeff Nichols. Il change encore un fois complètement de registre avec un film sur fond de tensions raciales dans les années 50 aux États-Unis. Loving raconte le combat d’un couple pour faire valoir son droit à vivre leur union la légalité. Si le sujet est passionnant, la mise en scène classique, et l’interprétation impeccable, on pourra encore une fois regretter trop de retenue et un certains manque de personnalité dans le cinéma de Jeff Nichols.
Après la compétition, retour à Un certain regard avec Apprentice, un film qui nous plonge dans les prisons de Singapour… qui ont la particularité d’être celles où il y a le plus d’exécutions au monde. On y suit un jeune bourreau dans l’apprentissage du métier. Le ton est froid, la mise en scène plutôt minimaliste, mais le sujet est traité d’un point de vue humaniste et sans voyeurisme. Une jolie réussite donc pour un film qui sort en salles le 1er juin.
Hormis le clivant Ma Loute et le poussif Money Monster, trois films présentés à Cannes cette années sortaient en même temps dans les salles françaises. Parmi ces films, il y a d’abord eu Café Society de Woody Allen. Le réalisateur, qui a toujours refusé d’être en compétition, présentait un film avec un scénario comme souvent assez succinct, mais en l’occurrence plein de charme et qui nous ramène au Woody Allen de la fin années 80 dans un registre comme souvent proche du théâtre de Vaudeville. Film à la fois simple et très référencé au regard de la filmographie du new-yorkais, Café Society se révèle être un film plaisant de bout en bout.
On passera vite sur The Nice Guys, une comédie policière vintage en forme de buddy-movie, pas désagréable en soi mais assez mineure, portée par deux acteurs qui font le taf : Ryan Gosling et Russell Crowe. Car de l’intrigue policière, de ce complot dans le milieu du cinéma porno des années 70, on se détache assez vite pour profiter plutôt de la relation assez cocasse entre ces deux losers incarnés par les deux acteurs. Un divertissement moyennement réussi et en tout cas très vite oublié.
On a gardé le meilleur pour la fin avec Julieta. Pedro Almodovar revient en très grande forme avec un mélodrame brillant, dans la lignée des chef-d’œuvre que sont La Piel que Habito ou Étreintes brisées.
On suit en flash-back durant 1h30 le douloureux retour dans le passé d’une mère pour comprendre comment sa fille a pu disparaitre du jour au lendemain sans donner d’explication. Avec ses fausses-pistes, ses retournements, ses non-dits et de mystères, le film fait marcher sa mécanique à plein régime dans un scénario diabolique, d’une redoutable efficacité et servi par des actrices toujours aussi brillantes sous l’œil bienveillant d’Almodovar. Côté mise en scène, c’est un bonheur total. L’espagnol a toujours autant le sens du cadre et de l’harmonie des couleurs. Si le film est émouvant, mais pas aussi bouleversant qu’espéré, il n’en reste pas moins d’une grande beauté et d’une force romanesque absolue, avec un final qui laisse la porte ouverte à bien des supputations.
Bilan de ces 5 jours cannois : quelques très beaux films, beaucoup de films moyens et au final pas de révélation majeure comme en 2015 avec Le Fils de Saul ou Trois souvenirs de ma jeunesse.
Palmomètre 2016 complet :
Par ordre de préférence
Julieta – Pedro Almodovar
Moi, Daniel Blake – Ken Loach
L’économie du Couple – Joachim Lafosse
Victoria – Justine Triet
Toni Erdmann – Maren Ade
Folles de joie – Paolo Virzi
Loving – Jeff Nichols
Neruda – Pablo Larraín
Exil – Rithy Panh
Café Society – Woody Allen
Apprentice – Boo Junfeng
Rester Vertical – Alain Guiraudie
The Nice Guys – Shane Black
Mal de pierres – Nicole Garcia
Grave – Julia Ducournau
Ma Loute – Bruno Dumont
Album de famille – Mehmet Can Mertoğlu
Money Monster – Jodie Foster
Train To Busan – Yeun Sang-ho
Legend Maker – Ian Pringle