A la surprise générale, le duo Autechre sort cinq albums d’un coup, regroupés en une oeuvre à la fois physique et chimique pour une expérience jusqu’au-boutiste.
Après 2 titres lâchés entre le 13 mai et le 18 mai, feed1 sur la BBC 6 et c16 deep tread sur la radio étudiante basée en Alaska, KSUA, Autechre dévoile de manière inopinée son douzième album elseq, aux allures d’encyclopédie, de par la densité du projet, qui regroupe 21 titres pour un peu plus de 4 heures de musique, dont deux titres dépassant les 20 minutes.
Mais avec Autechre, les chiffres ne veulent pas dire grand chose. Ce qui compte chez eux, c’est la matière avec laquelle ils triturent les sons, avec un sens du détail qui dépasse la perfection, à l’image de cette nouvelle livraison époustouflante.
Car oui, ce nouveau projet laisse la concurrence très loin derrière, de par les ambiances déployées sur du papier de verre à l’effet dévastateur. Mélangeant onirisme d’un futur sombre aux formes disproportionnées, électricité tellurique et force énergétique compressée. A se demander ce qui passe par la tête de ses deux concepteurs, et à quoi ils sont reliés pour composer une oeuvre qui, depuis les débuts, se singularise de par sa force de proposition sans cesse renouvelée, tout en marchant et en écrasant son passé.
elseq est un concentré de puissance rythmique aux collisions quantiques, de synthés hachés par des pluies de météorites noires, oasis aux atmosphères anxiogènes et étouffantes, à la flore complexe et à la beauté subjuguante. Les mélodies suivent leurs propres règles, instaurant une dimension aux faces perméables, absorbant des trous de lumière pour les recracher en trous noirs, étendant ses tentacules dans un hip hop minimal TBM2, plongeant dans le drone classical, eastre, ou flirtant avec une certaine forme de PC Music sous THC, chimer 1-5-1. La musique d’Autechre se savoure avec un plaisir presque masochiste, forçant nos neurones à accepter l’inacceptable, à écouter ce qui fait partie d’un tout à la dimension quasi divine, où physique et chimique se conjuguent à l’unisson pour former de nouvelles entités organiques aux existences mutantes et insaisissables.
Les mots ne sauraient résumer, cette œuvre à la richesse incommensurable, qui écoute après écoute ne livre ses secrets qu’avec parcimonie, semblant reprendre à chaque fois une dimension nouvelle aux directions floutées et effacées, semant le trouble et la zizanie, fuyant de nos oreilles pour s’injecter avec force à travers les pores de notre épiderme, histoire de nous perdre à tout jamais. Chef-d’oeuvre.
Roland Torres
Autechre – elseq 1-5
Label : WARP
Sortie : 19 mai 2016