L’air de rien, sans vouloir révolutionner le monde, Andy Shauf nous assène un grand disque pop, proche de la perfection. Une réussite fondamentale pour cette année 2016.
La musique a-t-elle à voir avec les saisons ? N’avez-vous jamais remarqué que vos envies musicales évoluent en fonction de la météorologie… Un peu comme si, volontairement ou inconsciemment, on allait chercher dans des moments d’écoute une exacte contradiction à ces climats changeants.
Qu’il pleuve, l’on ira mettre à distance cette morosité ambiante dans les lueurs de Matthew White ou de Curtis Mayfield. Que l’on soit assommé par le silence blanc de la chaleur de l’été et l’on ira chercher une source de fraîcheur dans les indispensables mais souvent glaciaux Early Day Miners. Avec le printemps, les bourgeons, revient l’envie de laisser là les petits tracas et autres ressassements.
Le second album du canadien Andy Shauf est le disque que vous attendiez pour accompagner ces heures chaudes à venir. Après un premier disque passé pleinement inaperçu en 2012, The Party devrait réparer cette faute. Pour autant, n’attendez rien de révolutionnaire dans ce disque. On y trouve à peu de choses près les mêmes ingrédients que l’on retrouve chez Elliott Smith, chez Sufjan Stevens, chez Chris Garneau. Ces petites choses d’apparence toutes simples que l’on appelle des putains de bonnes chansons. Des parfums d’apesanteur en équilibre instable entre fragilité et classe absolue.
On imagine un jeune homme timide, préférant le murmure à l’assurance. On n’est d’autant plus étonnés quand on apprend le passé Punk du monsieur. Côté influence, The Party se balade très clairement du côté d’un folk finement ciselé des années 70 mais aussi de la Pop orchestrée que nous aimons tant.
D’ailleurs côté arrangements, Andy Shauf se tient bien là. Il suffit d’écouter le travail sur les cuivres sur The Magician ou cette progression dramatique jamais appuyée dans Early To The Party. On pensera à Burt Bacharach dans cette capacité à rendre lumineuse une idée toute simple.
Il ne faudrait pas oublier cette voix certes sans doute limitée techniquement mais qui finit de nous convaincre avec ces chuchotements que Kurt Wagner ou Mark Eitzel pourrait chanter. On imagine bien le canadien écoutant et réécoutant What Another Man Spills ou Nixon.
Andy Shauf est économe dans ses effets. Les morceaux sont souvent constitués d’une ossature très simple et apparente, Piano et basse en avant, traversés de montées de cordes comme sur Twist Your Ankle. Il y a chez lui une véritable intelligence de la disposition, sachant placer là où il faut tel ou tel ingrédient, sachant nous surprendre dans telle ou telle rupture.
Il y a chez Andy Shauf cette mélancolie des disques Pop de Mojave 3 ou de Harry Nilsson. Sa Pop est aussi traversée par celle des années 70 qui avait à voir avec le Folk, celle de Don Mac Lean ou de Gordon Lightfoot.
Ramassé sur l’essentiel, Andy Shauf n’égare jamais son auditeur dans des digressions réformistes. Ce qui l’intéresse, lui, c’est une certaine forme de ligne claire comme ce Begin again ou The Worst In You qui font bien plus que bien des discours interminables. Cahier des charges rempli pour ce chercheur de l’économie qui a bien compris que pour ménager sa monture, il faut ne pas l’épuiser de trop d’empressement. On peut renouveler un genre, créer sans que l’auditeur n’en est réellement conscience. Ces derniers temps, on pourrait trouver un rapprochement avec Real Estate dans un genre un peu différent pour cette capacité à faire se cohabiter des unités de temps et de lieu antagonistes dans un joli mariage de raison et d’amour.
De To You à Eyes of Them All, Alexander All alone ou le final superbe Martha Sways, Andy Shauf n’est pas très loin de nous asséner un disque proche de la perfection, l’air de rien, avec modestie un peu comme le Heavy Ghost de DM Stith auquel The Party fait parfois penser.
Autant ses deux premiers disque étaentit passés plus qu’inaperçus par ici, autant The Party clame sans le dire l’émergence d’un grand artiste et assurément d’un des disques de cette année 2016.
Greg Bod
Andy Shauf – The Party
Label : Anti
Sortie le 20 mai 2016