Gloire, cinéma, alcool, drogue et descente en enfer vont souvent de pair. Tommy Redolfi nous en apporte une fois de plus la preuve avec ce Portrait fantasmé de Marilyn Monroe.
Blonde, lèvres pulpeuses, sourire enjôleur, regard hypnotique, grain de beauté sur la joue gauche et formes voluptueuses, Marilyn Monroe est encore aujourd’hui un mythe. À la fois fascinante d’élégance et déroutante de naïveté, elle demeure l’objet de fantasmes et d’indiscrétions.
Tommy Redolfi fait partie de ceux que le sex-symbol intrigue. Dans Holy Wood, il en dresse un portrait atypique. Mais attention aux faux-semblants ! Holy Wood n’est pas Hollywood. L’auteur aime jouer avec les mots et distordre la réalité. Ainsi, dans son imagination, le bois de houx s’est transformé en bois sacré. Sacré, car c’est là qu’ont débuté les carrières des plus grandes stars de cinéma.
L’intrigue commence alors que la jeune et timide Norma Jeane Baker débarque dans cette sombre et angoissante forêt de résineux à la suite d’un casting sans promesses. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’endroit ne ressemble en rien à la terre sainte suggérée par le titre. Les logements de fortune et autres caravanes y poussent comme des champignons. De prime abord, il est difficile d’imaginer qu’un trou aussi lugubre et obscur soit le berceau des personnalités qui évoluent maintenant sous la lumière des projecteurs. Pourtant, elle y croit et s’accroche à ses rêves. Motivée par l’envie d’inscrire son nom à côté de ceux des gloires du septième art, elle vient s’installer dans ce lieu en état de délabrement où a éclos la reconnaissance cinématographique de tant d’autres. Les castings s’enchaînent, souvent infructueux, avant que les époux Wilcox, étranges fondateurs d’Holy Wood, lui ouvrent la porte menant sur le devant de la scène. Ainsi naîtra Marilyn Monroe, l’icône. Celle dont l’Histoire retiendra le cliché de la jupe qui se soulève sur une grille de métro ou son interprétation de « Happy Birthday, Mister President ». Mais cette reconnaissance a un coût, celui de se soumettre au monde du paraître. Marilyn Monroe n’a physiquement plus rien de Norma Jeane Baker. Elle a été façonnée pour plaire, à coups de marketing et de chirurgie esthétique. Le risque de vivre à travers les yeux des autres est de finir irrémédiablement dépossédé de qui l’on est…
Tommy Redolfi a pris le parti de développer une biographie revisitée de l’artiste, la dépeignant sous des traits sombres et tristes. Il nous offre un récit tumultueux de la vie de la star, composée de propositions professionnelles douteuses. Une existence régie par l’ostentation. Les références à la mode des télé-réalités ainsi que l’exploitation faite de son image, qui n’a pas fléchi cinquante-quatre ans après sa disparition, sont évidentes. Montages, détournements… Marilyn Monroe apparaît, dans cet ouvrage, telle une égérie de Photoshop avant l’heure. Pour autant, elle n’en reste pas moins touchante par sa candeur de façade et ses addictions cachant son mal-être : alcool, drogue et peines de cœur médiatiques (Joe DiMaggio, les frères Kennedy, Arthur Miller, Yves Montand…).
L’auteur s’amuse à inventer une histoire, mais aussi un univers fourni, basés sur le réel, nous laissant constater la parfaite maîtrise de son sujet. Intelligent, bien écrit, graphiquement très plaisant, voici un truculent album à consommer sans modération !
Simon BAERT
Holy Wood – Portrait fantasmé de Marilyn Monroe
Scénario : Tommy Redolfi
Dessin : Tommy Redolfi
Éditeur : La Boîte à Bulles
256 pages – 32 €
Date de sortie : 15 juin 2016