Dans ce huis-clos familial subtil, Paco Roca évoque la perte du père et l’absence. Un sujet grave abordé avec la douceur méditerranéenne.
Un an après le décès de leur père, deux frères et leur sœur décident de revenir dans la maison où ils ont grandi. Que faut-il faire ? La vendre ou continuer à l’entretenir ? La demeure familiale va se faire le théâtre d’un huis-clos qui va voir la fratrie aux prises avec ce dilemme, entre culpabilité, règlements de compte et évocation de souvenirs…
Le format à l’italienne va comme un gant à ce roman graphique. Est-ce parce qu’ayant la forme de la maison en question, il nous aide à y pénétrer plus aisément ? Tout comme le thème, celui de la perte d’un parent, qui fait vibrer en nous la corde sensible et permet de s’identifier très facilement aux personnages, car plus que de la mort, l’histoire parle de l’absence et de son inhérente nostalgie. Cette situation, beaucoup d’entre nous l’ont vécu ou seront appelés à le vivre à plus ou moins longue échéance. Peut importe donc que l’œuvre soit autobiographique ou non. Dans le cas présent, on a davantage affaire à une évocation qu’à une histoire vraiment scénarisée. On entre dans cette maison comme dans une rêverie diurne baignée par le doux soleil méditerranéen et imprégnée d’une nostalgie douce-amère. Même si le géniteur n’est plus de ce monde, la demeure, qu’il a construite à la sueur de son front car de condition modeste, chaque objet, chaque plante, tout semble encore vibrer de son souvenir. C’est ainsi que les enfants, réunis le temps d’un week-end dans la demeure du pater familias, vont réaliser qu’ils sont plus attachés au lieu qu’ils ne le pensaient. Vendre la maison n’équivaudrait-il pas à provoquer la seconde mort de ce père tant aimé ?
Tout en sobriété et en finesse, le dessin de Paco Roca accompagne très bien son récit, car l’auteur espagnol semble aussi à l’aise pour raconter une histoire que pour la dessiner. Qu’il se centre sur les feuilles d’un arbre bruissant sous la brise, sur le tuyau d’arrosage du jardin ou sur la tonnelle, si primordiale pour le père, le cadrage sait parfaitement exprimer l’indicible, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter des mots. Faut-il le rappeler, c’est aussi cela qui donne tout son sens à la bande dessinée.
Paco Roca signe ici un roman intimiste, subtil et juste, dont les protagonistes, dépeints avec tendresse et sensibilité, nous ressemblent. L’auteur a su aborder un sujet grave sans pour autant éconduire l’humour, conférant à l’ouvrage une certaine légèreté, évitant tout pathos. Cette maison, si simple soit-elle, vaut donc vraiment la visite, et c’est d’ailleurs cette simplicité même qui est d’autant plus touchante.
Laurent Proudhon
La Maison
Scénario & dessin : Paco Roca
Editeur : Delcourt
Collection : Mirages
125 pages – 16,95 €
Parution : 11 mai 2016