Chevalrex – Futurisme

Avec « Futurisme », Chevalrex vient de placer la barre très haute en matière de chanson dans une année 2016 pourtant déjà bien fournie.

chevalrex
Credit : Louis Teyssedou

On l’attendait purée ! Dans les tuyaux depuis une paye, on avait même eu les maquettes entre les oreilles à la fin de l’été dernier alors que Chevalrex lui-même ne savait pas encore complètement sous quelle forme ni quelle structure Futurisme sortirait. Les prototypes étaient déjà aboutis et prometteurs, pas encore assez pour l’exigence du Roi Cheval A.K.A. Le Chevalier Dyslexique A.K.A. Rémy Poncet… l’homme-orchestre, le touche-à-tout, musicien, graphiste chez BrestBrestBrest, directeur de micro-label chez Objet-Disque

L’album est à tomber par terre.

Chevalrex – Futurisme cover albumPour le décrire rien de mieux que son titre : Futurisme« Mouvement littéraire et artistique européen du début du XXe siècle (de 1909 à 1920), qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, la machine et la vitesse. » – source Wikipédia. Clairement, ce qui ressort du travail de Chevalrex, c’est bien ça : le côté Géo-Trouvetout, bricole à outrance, montage alambiqué, œuvre du gars qui essaye d’aller de l’avant et d’imaginer ce que sera demain, qui lutte à mort contre le spleen mais, putain, reste empêtré dedans jusqu’au cou. Ce côté également homme du passé, un peu démodé, suranné, qui raconte l’avenir qu’il imagine, lui le rêveur, l’anticipateur, à des crétins blasés qui vivent déjà dans la période débile et toute en « tubulures glauques » (Bisous Thiéfaine) qu’il leur décrit. Rarement titre d’un disque n’aura autant collé à son contenu. Voilà pour le fond.

Pour la forme… j’ai envie de dire : c’est du Chevalrex ! Le garçon s’est forgé une identité sonore de bric et de broc et n’en démord pas. Futurisme, comme Catapulte et 30 Minutes With Chevalrex ses prédécesseurs, berloque de partout, prend l’eau et c’est le but recherché. Sauf qu’à présent le processus est complètement maîtrisé. Il n’y a plus de Lo-Fi que le concept et le tampon. Les cuivres Calexiquiens sont amples et assurés, les guitares sont propres — celles de Movimiento et Serpents sonnent magnifiquement comme sorties des profondeurs d’une poubelle métallique, le petit arpège seventies d’Orléans soutenu par cette basse toute ronde qui donne un groove à la Everybody’s Talkin’ (BO de Midnight Cowboy) en fait une magnifique ballade —, les synthés fleurent bon le Grandaddy (Avec Mon Frère restera je l’espère une des plus belles chansons de 2016 et de la décennie). D’un morceau à l’autre les ambiances et les rythmes varient mais, patte de songwriter oblige, on reste chez Chevalrex, dans sa petite maison aux murs recouverts d’instruments en tous genres.

Les textes sont ciselés, millimétrés et installent au fil des morceaux le personnage… à moins qu’il ne s’agisse du vrai Rémy Poncet tiens… caché derrière son loup devinez devinez devinez qui je suis. Au même titre que la composition des musiques, l’écriture est homogène… univox… La nostalgie ambiguë de l’enfance (premiers émois au Stand De Tir versus angoisses Nocturne(s)#1), les amours déçues – ou non – et les saines colères qui les accompagnent pour guérir plus vite (Ventre & Cervelle), la Drôme en toile de fond, la famille et les motifs du frère et du père. Sans étalage aucun, beaucoup de vie dans ces mots touchants et justes.
En parlant de frangin : la similitude des thèmes abordés avec le Repeupler de Gontard! est complètement frappante. Ce dernier est radical, cynique et cru là où Chevalrex est sensible, drôle, romantique et fréquentable mais à peu de choses près le discours est le même. Comparaison d’autant plus troublante que leurs tessitures sont proches et que l’un pourrait aisément prendre la place de l’autre et inversement. Fin de digression.

Futurisme est un bel album, pas vraiment classable, à la fois intime, émouvant et entraînant. Je me plais à vivre dans un monde où un gars comme Rémy Poncet est l’avenir de la chanson française, où les photocopieuses-fantoches Obispo, Calogero et consorts n’ont jamais existé et ouvert la voie à leur descendance visqueuse. D’ailleurs ils n’existent pas !

Stéphane Monnot

Chevalrex – Futurisme
label : Vietnam/Because
sortie : 10 juin 2016