Les Eurockéennes de Belfort recevaient cette année Les Insus, The Last Shadow Puppets mais aussi Air, Beck, Chocolat, Yak et Allah-Las. Revue sélective de 3 jours de musique Live !
Le festival des Eurockéennes de Belfort fêtait sa 28e édition dans le cadre toujours aussi bucolique de la presqu’ile du Malsaucy. Tous styles confondus à l’exception du Métal, ces trois jours de musique, vont ravir un public rassemblant toutes les générations.
Vendredi 01 Juillet 2016
Premier concert du festival, le quintet PUMAROSA recueille toutes les attentions au Club Loggia. Petit bout de femme enveloppé dans une robe moulante, la chanteuse Isabel Munoz-Newsome ne laisse planer aucun doute quant à sa détermination à marquer les esprits. La montée rythmique imparable de Cecile mène à des plateformes plus New Wave et Pop. On pense à Siouxsie and the Banshees – période Thinderbox – pour la voix, à Cocteau Twin et au White Funk des débuts 80’s pour les guitares vaporeuses, tandis que l’électronique et le groove se chargent d’amarrer le groupe dans son époque. Insufflant de la spiritualité par sa dance incantatoire, Isabel emballe le public sur les deux derniers titres – Red et Priestess – brassant des influences pop orientales si chères à Londres.
La grande scène accueille The Last Shadow Puppets. Pantalons cigarettes, coupes de cheveux étudiées, on imagine facilement les membres de ce groupe si british évaluer d’une main experte le dernier polo en vogue chez The Face, Soho. L’orchestration des titres lorgnent tantôt vers le glam ou la pop glorieuse. Alex Turner, échappé des Arctic Monkeys et Miles Kane, se donnent en spectacle en arborant une attitude maniérée à la Bret Anderson de Suede. Venu promouvoir Everything You’ve Come To Expect, paru en début d’année, le groupe débute pourtant son set avec My Mistakes et Only the Truth, titres de leur 1er album dont les envolées baroques sont compensées par une section à cordes jouant au cordeau. Viennent ensuite les imparables nouveaux singles – Aviation, Bad Habits et Miracle Aligner. Les voix sont au diapason, les deux comparses s’amusent de leur théâtralité, surjouant à l’occasion leurs rôles de poseurs – crooners. Après Moonage Daydreamer, hommage prévisible à David Bowie, la reprise de Totally Wired de The Fall laisse les spectateurs pantois. Pas de soucis, ces gars savent d’où ils viennent. Tout en montée instrumentale abyssale In My Room clôture la parade.
Les incroyables Québécois de Chocolat ont les cheveux longs et savent ce que veut dire rock en 2016. Sans artifices ni temps mort, les cinq musiciens alignent les titres de leur album Tss Tsss, paru chez l’excellent label indépendant parisien Born Bad. Psyché, Noise, Kraut et Pop passés au shaker, leur musique évoque aussi bien The Stooges que le Velvet Underground ou My Bloody Valentine. En mode shoegazing, Jimmy Hunt déclame son chant en français, tel un Polnareff psychédélique, avant qu’Apocalypse et Interlude n’achèvent l’auditoire. Impressionnants de cohérence tout au long du concert, tel un gang au service de l’urgence rock’n rollienne, Chocolat sera la 1ère révélation du festival.
Un peu plus tôt, les jeunes pousses de Bagarre, à l’aise dans leurs survêtements et avec leur chorégraphie teintée d’humour noir jouent de l’électro comme d’autre vont au ball trap. Les Samplers citent les Eurocks. Souvent mélodique, leur chant fait mouche jusqu’à s’aventurer au rap et slam. Temps fort : Bonsoir nous sommes Bagarre en intro, Mourir au club et La bête voit rouge.
22h30. Crache ton venin résonne sur le site, des milliers de bras se lèvent dans la nuit, Les Insus (portables…) sont là. Sans dissimuler leur plaisir, ils revisitent le répertoire de Téléphone avec un conformisme qui n’empêche pas jeunes et moins jeunes de le célébrer dans la liesse sans doute pour des raisons différentes. D’un côté, la nostalgie, de l’autre, probablement, l’impact « ado » des paroles de Jean-Louis Aubert. Au final, 17 titres permettront au groupe et au public de monter cette drôle de mayonnaise.
En phase avec leur patronyme, Destruction Unit n’est pas venu de Phoenix (Arizona) pour nous passer la pommade mais régler leur compte de manière tapageuse, toutes guitares dehors. Du At The Drive In dans l’attitude, du larsen façon A Place to Bury Strangers, de la sueur, du cambouis et puis… clap de fin, les américains ont eu raison de moi.
Samedi 02 Juillet 2016
En guise d’apéritif, le trio anglais Yak investit la scène de la Plage avec une nonchalance qui leur sied à merveille. Attaquant par l’entêtant Harbour the Feeling, ils affichent franco leur intention de prendre l’ascendant sur des festivaliers encore endormis. Brutal et jouissif sera le réveil. Après s’être chauffé sur Curtain Twitcher et Alas Salvation, le jeune chanteur et guitariste Oliver Henry Burslem injecte des nappes de clavier dans son phrasé mi parlé mi-crié du meilleur effet. Dignes rejetons imberbes de Sonic Youth et de Gallon Drunk, promoteurs de la saturation sur Victorious, Yak possède la grâce insolente propre à leur candeur. Maltraitant leurs instruments selon leur humeur, ils savent aussi se poser comme sur Take It, sans perdre un gramme de tension, avant de finir en trombe et signer ainsi l’une des meilleures prestations live du festival. Bon présages pour une journée qui sera riche en découverte.
La Dj team des Inrockuptibles prend le relais sur la plage, se fait plaisir et passe le Velvet Underground, Sonic Youth et quelques pépites à la Lcd Soundsystem, histoire de contenter tout le monde.
Comparé à ces derniers, Formation, « qui vient de Wimbledon mais ne pratique pas le tennis », dixit le chanteur Will Ritson, enclenche sa Dance Pop timidement, délaissant les guitares pour se concentrer sur les claviers et les rythmes. Doucement les titres défilent et installent le groove synthétique propre à leur dernier single Pleasure. Moins abrasif que le groupe de James Murphy, Formation possède un bon chanteur maniant efficacement la cloche et les percussions. A suivre.
Le soleil se couche doucement sur la Green Room lorsque Allah-Las entame son set. Riffs et refrains nous rappellent au bon souvenir des compilations Nuggets. Nous voilà comme téléportés en 1968 dans le Haight-Ashbury de San Francisco. Tempérée, l’interprétation apporte un charme désuet proche de la Pop Sunshine de The Real Estate. Cool, le groupe américain déroule les extraits de ses deux albums. En ouverture, la reprise parfaite des Frantics No Werewolf suivie des classiques Tell me – Busman’s holliday – 501 415 – Sandy et Catalina. La voix chaude de Miles Michaud colle parfaitement au style. Surprise, le batteur Matthew Correia, belle gueule de surfer aux lunettes noires, chante magistralement quelques extraits du nouvel album à paraitre. Plus tard, la slide guitare survole le beat rapide de Better than Mine et les Yeah Yeah Yeah d’Every Girl sont repris en cœur par le public. Après Calm me down des Human Expression et l’efficace Long Journey des Roots, la lune peut se lever.
Aimantés par les premières mesures de Devil’s Haircut, les festivaliers se dirigent vers la grande scène où Beck, élégant, en costume et chemise rayée noir et blanc, évolue devant un mur de projection du meilleur effet, mélangeant motifs géométriques psychédéliques. Le temps ne semble pas avoir prise sur cet éternel jeune homme, mais les musiciens professionnels l’accompagnant ne sont plus les mêmes qu’en 1996, date de sa dernière apparition aux Eurocks. Le côté foutraque perdu en chemin, Beck joue à présent dans une autre dimension. Les tubes Black Tambourine- Think I’m in love – Jack Ass – Girl – Loser – Sexx Laws- E Pro, déroulent le panorama de son répertoire des 20 dernières années, diverti par les insertions des Beat It de Michael Jackson et I Feel Love de Donna Summer. Si le single Dreams, sorti en 2015, n’est pas oublié, aucune trace de Wow paru cette année, ni d’extrait du prochain album, annoncé pour l’automne. Bien accompagné au chant, Beck se libère et assure un show trop bien huilé et formaté pour « stades et festivals ». En conclusion, les musiciens profitent de Where it’s at pour rendre hommage à Bowie (China girl), Prince (1999) et Chic (GoodTime).
Sur la plage, l’équipe des Inrocks – JD Beauvallet accompagné d’Azzedine, Carole et Benjamin – font patienter le public venu pour Air. Des tubes R’n’B et Electro Funk s’enchainent dans un chaos bienvenu.
A l’arrière, un décor épuré s’installe. 23 heures. Entouré de panneaux lumineux, le duo, additionné d’un batteur et d’un claviériste, entre en action avec Venus. Son maîtrisé et imposant, le groupe joue tout live à l’exception de l’iconique voix samplée d’How Does It Make You Feel. Multi instrumentiste, Nicolas Godin manie guitare acoustique, basse, mandoline et claviers pendant que son acolyte, Jean-Benoit Dunckel, se concentre sur les synthés analogiques. Les voix à l’unisson laissent filer le rythme métronomique sur Don’t Be a Light pendant que les couples s’enlacent sur J’ai dormi sous l’eau. Les réactions instantanées provoquées par Talisman et Remember rappellent l’importance du premier album, Moon Safari. Les étoiles se cherchent, le panorama lumineux irradie et le public se laisse transporter par une justesse absolue. Kelly Watch the Stars entraîne la foule dans une danse sensuelle, Sexy boys électrifie le site et le concert s’achève sur La femme D’Argent. Ovation méritée.
Les DJs reprennent la main, Boys and Girls de Blur résonne et transforme la plage en dancefloor.
Pendant que Foals livre un concert torride et nerveux, les séquenceurs de DBFC résonnent au Club, lieu parfait pour ces Parisiens se réclamant comme tel. La légende veut que les deux compositeurs du quatuor, Dombrance et David Shaw, se soient rencontrés à l’Hacienda de Manchester autour du projet un peu fou de mêler House, New Wave, Pop, Electro et Rock au service de la danse. Le groupe décroche la boule à facette pour le plus grand bonheur des clubbers. Leave my Room, Autonomic et Get It All sont autant de tubes rappelant New Order ou les Dandy Warhols sous influence Giorgio Moroder. Une autre belle découverte.
Plus tôt dans la journée, l’espace All Acces a proposé des rencontres autour des thèmes du handicap et de la musique. Fait de bric et de broc, les instruments à dispo émettent des sons expérimentaux. Derrière ce projet en collaboration avec des autistes, David Lemoine du groupe Cheveu, attentif et prévoyant, encourage la performance musicale. L’initiative est remarquable. Formule empirique et marque de fabrique du festival ?
Mathieu Marmillot – juillet 2016
Photos : Julien M, Arnaud L
Merci à Dom.INO.roL