Disque à la beauté irradiante, Vigils, nouvelle production du compositeur anglais Richard J. Birkin, est un hymne à la fragilité.
Pour paraphraser les mots de Michel Cloup et Arnaud Michniak, y aura-t-il de la neige en été ? Sans doute, quand la chaleur est trop forte, la sueur poisseuse sur votre corps assommé, vous plaisez-vous à rêver de fraîcheur, d’ombre.
Qui n’a pas rêvé de neige au plus fort de la canicule de Juillet alors que le soleil nous assaille sur les causses d’Aveyron. A moins que la météo ne se mette à dérailler comme dans un blockbuster de Roland Emmerich, il ne faut pas trop attendre de voir la neige ailleurs que sur le sommet des montagnes. Sans doute l’opportunité de se rafraichir sera à trouver du côté de la terrasse ombragée d’un café ou peut-être du côté de quelques disques comme des merveilles de délicatesse. Il en est ainsi de Vigils, second album de l’inconnu Richard J. Birkin.
Mettons tout de suite des repères, si vous cherchez l’énergie du Funk, la rythmique groovante de l’electro, passez votre chemin, ce disque n’est pas pour vous et vous avez bien tort. Par contre, si vous aimez pêle-mêle la musique d’Akira Kosemura, de Flica, de Sigur Ros, le Yann Tiersen des débuts, Olafur Arnalds ou Dustin O Halloran, vous pouvez les yeux fermés entamer cette écoute.
Mais étrangement c’est au Bill Ryder-Jones du sublime If que Vigils vous renverra à coup sûr. Évocateur d’images à vivre, Vigils est un disque qui se joue des repères. Vigil I installe une poésie du détail quand The Human Voice Accretions lui adjoint le sens de l’élévation. Richard J. Birkin compose une dramaturgie jamais appuyée ni plombée. Tout ici repose sur une réflexion autour des pauses entre les notes, prenez Vigil II et son piano économe en effet mais pas en émotions. On retrouve chez l’anglais du Erik Satie, du Arvo Part, bref des grands frères en fragilité assumée.
Moonbathing traverse les mêmes territoires que ceux de Bill Ryder-Jones avec une Pop qui se plait à se mêler à la complexité bien planquée d’une musique savante. Comme la rencontre entre Big Star et Lambchop et Debussy. On aimerait voir sur la durée ce que donnerait un disque plus chanté du monsieur.
Night sun prend des accents enfantins et électroniques qui ne seraient pas sans rappeler Chapelier Fou quand Atomhog se construit autour de nappes de violon, violoncelle et guitare dans un interlude comme la piste d’une transition.
Richard J.Birkin a cette application de la concision privilégiant des formats courts où beaucoup est dit comme dans Vigil III qui ne dépasse pas les deux minutes avec un piano cristallin comme des gouttelettes. Mais pour autant, ce n’est pas un album construit autour du seul piano, A History Of Good Ghosts, lente mélodie autour d’une guitare vient démentir cette impression passagère. Par contre, ce qui n’est pas passager, c’est la beauté qui irradie ce disque de bout en bout à l’image de ce titre qui ne dépareillerait pas sur un disque de Gravenhurst.Vigils est un hymne à la fragilité, à la chair d’une rose qui se flétrit au soleil. A chacun de prendre possession de cette merveille qu’est Vigils V ou Vigils VI et d’y mettre la part de lui qu’il souhaite. En ces temps où la folie fauche les foules, où la haine joue avec les nerfs, il faut savoir retrouver avec humilité sa part de fragilité et la chérir comme l’on chérira longtemps la musique de Richard J.Birkin qui nous rappelle presque malgré elle notre humanité certes pathétique mais encore présente et c’est déjà énorme.
Greg Bod
Richard J Birkin – Vigils
Label : Reveal records
Sortie : 11 mars 2016