Après quelques Ep sous son propre nom, Ry Cumming fait paraître, cette fois sous le pseudo de Ry X, un premier album à fragilité palpable. Frisson garantis.
Comment trouver l’exacte mesure entre la mélancolie et une certaine idée de l’ivresse ? En leurs temps, les Pet Shop Boys ou New Order nous faisaient danser avec des larmes dans les yeux comme disait Midge Ure. Ils chantaient un désarroi pathétique avec une distanciation que nombre d’artistes imitent encore aujourd’hui.
Il n’y a rien de plus compliqué à appréhender pour un artiste que le doux-amer. Un pas de trop et on se ramasse dans le pleurnichard ou le lacrymal tire-jus, un autre mal négocié et on se vautre dans le mièvre ou le ridicule. Il faut savoir doser pour à la fois provoquer le frisson et l’excitation.
Prenons plus près de nous, Raz O Hara ou encore Apparat savent faire danser nos têtes et faire rimer ensemble frénésie et nostalgie. Après une ouverture qui ressemble à un inédit de This Mortal Coil et qui pose bien là le propos, Shortline arrive en contre-point comme une douche écossaise du froid vers le chaud, avec (osons le mot) ce groove qui rappelle The Cinematic Orchestra.
Ry Cuming prend un plaisir malin et vicieux à brouiller les pistes avec Salt et son folk traversé par sa voix expressive. Pourtant, la dimension presqu’électronique de Shortline n’en finit pas de se diffuser dans la répétition et l’entrelacement des voix. Et à remarquer cette construction rythmique qui sert de fil conducteur à l’ensemble de l’album. Groove paranoïde et discoïde quand il devient tribal sur Howling. Côté production, c’est souvent très malin avec un travail sur les textures et les arrière-plans.
Chez Ry X, il y a toujours comme une forme de menace qui ne dit jamais son nom derrière une évanescence floue, une sérénité de circonstance, une urgence à fleur de peau derrière une réalité de façade. Une construction à tiroirs à la fois horizontale et verticale. On entend l’orage gronder au loin mais on ne le voit jamais vraiment. On reste dans la crainte frustrante de ce qui pourrait survenir.
Il y a aussi la voix de Ry Cuming, en androgynie et en murmures, comme si Christophe rencontrait Peter Broderick auquel Only fat penser. Berlin rapproche son auteur de ce que peuvent nous donner Low Roar ou House Of Wolves à savoir une machine à frissons à partir de peu de choses. Parfois, Ry X prend des chemins de traverse qui mènent sa musique vers des ambiances qui doivent autant à l’Electro déjà citée qu’au Post Rock comme sur Beacon tout en tension électrique.
Quelle intelligence également dans le tracklisting. Cela peut sembler un détail mais construire un squelette, une ossature pour un album peut sembler simple sur le papier mais le travail réussi c’est celui que l’on ne voit pas. En effet, chaque titre se pose là en contrepoint, en contraste du titre qu’il vient prolonger et de celui qui le suivra tout en permettant à chaque morceau de vivre en complète autarcie et autonomie. C’est par exemple offrir une plage d’apaisement tout en mouvance avec Deliveranc pour mieux prendre un virage electro-pop. On se plait à s’imaginer ce que ferait de ce matériau en 2016 les regrettés The Beloved. Sweat rappelle The Kings Of Convenience quand Lean conclut en puissance ce disque généreux d’un certain Ry Cuming qui mettra un sourire dans vos larmes, un frisson dans votre joie.
Greg Bod
Ry X – Dawn
Label : Infectious Records
Sortie le : 06 mai 2016