En dépit d’un certain anonymat, le groupe Trashcan Sinatras poursuit son aventure musicale et propose en 2016 un nouvel album de pop classique en tout point délicieuse.
En été, nos envies changent. Là où souvent en hiver on se plait à se morfondre dans des abimes de noirceur et de complexité et où l’on entre en empathie avec les disques de The White Birch ou de Matt Elliott, en été, notre humeur est plus légère, à l’image des jours plus longs, du soleil rayonnant. Le temps de juillet et d’août, on met un peu en sourdine nos vieux démons un peu amers. Certains ressortent leurs vieux disques de Dexy’s Midnight Runners, de Prefab Sprout, d’autres leur Metronomy nouveau. Et si vous nous proposions une autre solution avec Wild Pendulum, sixième album studio des écossais des Trashcan Sinatras. Un bon compromis entre la tradition d’une certaine vision Pop et la pertinence de la nouveauté.
Très franchement, je n’ai jamais bien compris le peu de notoriété du groupe, comme dans un autre genre le canadien Ron Sexsmith, car à l’évidence, le moins que l’on puisse dire c’est que Francis Reader et ses copains se tiennent bien là en tant que créateurs de pépites Pop. Vous savez ces gourmandises au plaisir instantané, ces musiques à la complexité humble. On les a souvent comparés hâtivement aux Smiths mais avouons-le, parfois par paresse quand on parle de Pop en langue anglaise, on n’évite pas toujours les clichés faciles… Un peu de guitare, des textes bien écrits et à coup sûr, vous verrez surgir le nom de Momo sous deux minutes.
Même s’il est évident que Trashcan Sinatras a quelques influences en commun avec leurs ainés, je pense à une pop sixties, celle de Bacharach, de Petula Clark, de Sandy Shaw… avec Trashcan Sinatras, nous sommes dans une génération intermédiaire, comme un chaînon manquant entre The Apartments et The Coral.
Trashcan Sinatras poursuit le chemin parcouru par Aztec Camera avec des mélodies lumineuses qui se prêtent tellement à nos envies de saison. Que ce soient Let Me Inside, Best Days On Earth ou Ain’t That Something, on y trouve une forme de chaleur ironique, de celle dans laquelle excellait Ray Davies du temps de sa splendeur.
On ne dira pas de mal ici sur certains héros fatigués pour ne pas dire éreintés des années 90, je vous laisse combler le blanc pudique que je pose ici. Ne perdons pas notre temps avec du fiel mais régalons-nous de la bonne santé créative de Peter Milton Walsh, de l’album magnifique de Paddy McAloon en 2013 annonciateur de belles promesses pour l’avenir de Prefab Sprout ou encore du superbe dernier Lilac Time. On peut y joindre ce Wild Pendulum des Trashcan Sinatras.
Nous parlions de Prefab Sprout à l’instant, écoutez I Want To Capture Your Heart qui ressemble à s’y méprendre à un inédit du groupe sans doute pour cette même obsession pour les standards anciens de la chanson américaine (Cole Porter ou plus récemment Randy Newman). Confirmation apportée encore par l’intemporel I’m Not The Fella
C’est rare des disques qui vous mettent le sourire aux lèvres sans que pour autant vous vous sentiez au mieux bêta, au pire honteux, alors pourquoi se priver de ce plaisir simple ? Un disque de Trashcan Sinatras c’est bon comme la rencontre avec un vieil ami, on se plait à le voir vieillir mieux que nous.
Et puis c’est rare également de tomber sur un disque comme Wild Pendulum qui semble clamer une forme d’incohérence comme fil conducteur à l’ensemble. Retrouver des climats proches d’Arthur Lee puis l’instant qui suit une Northern Soul vue par des écossais blancs.
Là ou d’autres proposent des produits marketés et frelatés, Trashcan Sinatras emporte tout sur son passage avec cette évidente sincérité qui traverse tout le disque.
Greg Bod
Trashcan Sinatras – Wild Pendulum
Red River Entertainment
Sortie : 13 mai 2016