Un roman très pudique tout en disant les choses avec une certaine élégance. Une vraie découverte du milieu de la soumission pour ceux qui seraient curieux de ce sujet.
Pour mieux comprendre ce roman, le cheminement de l’Ange dans la soumission et la dépendance, il est bon, mais nullement obligatoire, de lire le livre précédent d’Eva Delambre, L’éveil de l’Ange : « Solange, au nom étêté par son maître pour devenir l’Ange de cette histoire, se retrouvant sans emploi cède à la pression de sa colocataire l’incitant à répondre à une annonce lancée par un homme…, recherchant une personne capable d’écrire ses mémoires. Elle… reçoit une réponse favorable et est très surprise de rencontrer un homme encore jeune et surtout très séduisant. Il lui raconte alors sa vie de Maître qui soumet des jeunes femmes consentantes à la recherche de sensations nouvelles. L’Ange est très troublée par ces récits… Elle succombe rapidement au charme de son employeur et éprouve de plus en plus l’envie d’être possédée comme les femmes dont elle transcrit les épreuves. Et, un soir, elle finit par sceller le collier de la soumission autour de son cou se livrant ainsi totalement à son employeur qui devient alors son Maître. Le Maître qui va la conduire lentement mais sûrement sur le chemin de la soumission, ce livre n’est que le cheminement que l’Ange doit accomplir pour éventuellement accéder à la réelle formation à la soumission ».
L’envol de l’Ange est donc la suite de L’éveil de l’Ange, Solange a accepté de devenir définitivement l’Ange, la soumise de Tristan, son ex employeur devenu son maître qui l’éduque et la forme à devenir une bonne soumise dont il pourra être fier.
Comme je ne connais pas ce milieu, je me contente de rapporter ce que le livre évoque, la soumission d’une jeune femme qui ne vit pas avec son maître, elle le voit régulièrement, les visites font partie de l’éducation. Il lui enseigne surtout l’obéissance, la disponibilité et l’art de satisfaire son maître. « J’ordonne, tu obéis. Cette simple phrase, avec son timbre de voix autoritaire et sans appel, avait le don de me mettre immédiatement en transe. C’était comme un déclencheur, un bouton on ». Elle doit être perpétuellement à la disposition de son maître en ne pensant qu’au plaisir qu’elle doit lui donner selon les consignes qu’elle a reçues et uniquement en fonction de celles-ci. Les contraintes imposées par le maître ne sont pas forcément d’ordre sexuel et même physique, elles peuvent être d’ordre intellectuel ou psychologique. Ainsi, l’Ange devient progressivement totalement dépendante de son maître. « Je ne pouvais plus réfléchir, je devais rester concentrée sur ma position et mon immobilité. Ne pas faillir. Ne surtout pas faillir ».
Mais elle savait que sa condition ne pouvait pas durer éternellement, qu’un jour, elle aurait atteint la limite de l’asservissement, de la perfection dans le service au maître et que celui-ci se lasserait, qu’il aurait besoin de former une autre fille, le but n’étant pas dans l’aboutissement mais dans le cheminement dans la formation de la soumise. « Je m’imaginais que ce genre de relation ne pouvait survivre aux habitudes. Il y en avait forcément, et certaines étaient plaisantes, mais je ne pouvais concevoir de me sentir blasée au moment de le rejoindre ». Et la rupture est, comme dans n’importe quelle autre relation amoureuse, une épreuve.
Même si Eva Delambre semble bien connaître le milieu de la soumission et qu’elle a eu une réelle expérience dans ce milieu, à la lecture de ce texte, j’ai eu surtout l’impression que cette histoire était avant tout une histoire d’amour. L’Ange est follement amoureuse de son maître et elle lui prouve sa dévotion en acceptant la soumission comme elle accepterait n’importe quelle autre contrainte professionnelle, sociale, familiale… Elle le dite elle-même, « Où sont les limites mentales, les limites de l’âme ? Car il ne s’agit pas de vraies limites infranchissables, ni de douleurs physiques insupportables, il s’agit d’obéissance, d’asservissement ».
L’Ange pleure beaucoup, se lamente beaucoup, geint sans cesse, non pas parce qu’elle est contrainte ou punie, non, seulement parce qu’elle voudrait encore plus de la part de son maître, son amour, son mentor, son gourou, celui qui a fait d’elle une femme qui s’apprécie, sûre d’elle, mais très dépendante… « D’un regard, il me faisait sentir la plus belle du monde, ou deviner son mécontentement et me faire fondre en larme, sans même savoir pourquoi ». In fine, l’Ange n’est qu’une héroïne romantique qui a expérimenté la soumission, pas trop sévère, qui s’est épanouie mais qui souffre d’un amour perdu.
Denis Billamboz
L’envol de l’ange
Roman frnaçais de Eva Delambre
Editions tabou
336 pages – 16€
Parution : le 29 juin 2016