Les matinées paisibles se font décidément de plus en plus rares en ville. Derrière les murs de carton, l’intimité des uns n’a aucun secret pour les autres !
Il est trois heures lorsque les habitants du quartier Saint-Roch de Paris en font la macabre expérience. Sortis du sommeil par des cris en provenance d’un petit appartement voisin, ils enfoncent la porte pour une bien funeste découverte. Deux femmes, une mère et sa fille, plutôt discrètes au quotidien, ont été assassinées avec une violence inimaginable ! Si les postures dans lesquelles on les retrouve n’ont rien de conventionnel, ce qui retient l’attention est le logement clos de l’intérieur, sans aucune trace du meurtrier. Absence de mobile, incompréhension sur la fuite des coupables, mode opératoire extravagant… le réveil des résidents est difficile. Cependant, l’inquiétude qui les saisit sera de courte durée, car il faudra peu de temps au chargé de l’enquête pour dénouer les fils de cette intrigue ! Le besoin de réponses aux interrogations laissant souvent la part belle à l’extrapolation et aux conclusions hâtives, l’art du discours dont fait preuve l’inspecteur donne le change, masquant le manque flagrant de fond dans son examen de la situation. Trop vite bouclée, l’investigation a été menée dans le laxisme et la facilité. Deux criminels sont désignés, mais le doute persiste…
L’affaire aurait pu en rester là si le Chevalier Dupin, aidé de son sixième sens, n’y avait pas porté attention. Doué d’une formidable capacité d’analyse, il se lance, accompagné de son acolyte, dans une contre-enquête qui les entraînera sur des pistes inattendues…
Céka et Clod, dans Double assassinat dans la rue Morgue, ont décidé d’adapter en bande dessinée une nouvelle d’Edgar Allan Poe publiée en 1841. Une œuvre qui a marqué son époque par son audace et sa singularité, notamment avec la mise en place d’une énigme insoluble et atypique. Si aujourd’hui le sujet est devenu commun, l’approche choisie par les auteurs s’avère très intéressante. Ils nous livrent une critique sociale, sous forme de policier, remettant en cause le cartésianisme ! On peut tout faire dire aux indices que l’on trouve, mais la solution qui parait la plus logique n’est pas forcément la meilleure… Il faut parfois savoir sortir des sentiers battus !
La ligne claire de Clod, quant à elle, apporte un esthétisme très attrayant à l’histoire. Son trait simple, léger, et sa tendance à l’exagération dans le rendu des personnages et de la capitale française du XIXe siècle servent parfaitement le propos du récit d’origine dont le ton est souvent humoristique.
Voici un album qui se lit rapidement et avec grand plaisir ! On regretterait presque qu’il ne soit pas plus long…
Simon BAERT
Double assassinat dans la rue Morgue
Scénario : Céka
Dessin : Clod
Éditeur : Akiléos
56 pages – 14 €
Date de sortie : 18 août 2016