Deux albums sortis à quelques jours d’intervalle pour un Frank Ocean qui continue de séduire de par sa virtuosité vocale et pour sa façon de de vouloir tester des choses de prime abord pas forcément perceptibles et qui prennent du relief au fil des écoutes.
Derrière la sortie des deux albums successifs de Frank Ocean, se cache l’histoire d’un tour de passe-passe, celui de la liberté retrouvée, d’un artiste qui aura secoué les blogs de la planète, une bonne partie de l’été. Car Endless est le prix à payer pour se délivrer de l’emprise de son ancienne maison de disque (Universal / Def Jam). Un visual album concept qui aura fait tourner les têtes avant la sortie de son « véritable » album Blond/Blonde, sur son propre label Boys Don’t Cry. Un petit tour de passe-passe qui marque une nouvelle fois les péripéties d’une industrie du disque devenue un véritable champ de bataille, où tous les coups sont permis pour se démarquer et gagner en autonomie artistique.
Pourtant cela n’enlève rien à la qualité intrinsèque d’Endless, oeuvre de r’n’b langoureux dénué de véritable single radio, à l’exception peut-être de Higgs titre électro résolument axé dancefloor, à la différence de Blond/Blonde et de son sublime titre d’ouverture Nikes, en forme de futur classique.
Endless est une accumulation d’idées avec des titres aux allures d’interludes et d’ébauches, de par leurs durées disparates, à la différence de Blond qui se révèle plus consistant quand à son tracklisting, avec une puissance de frappe supérieure, de par le parti pris d’offrir des morceaux aux possibilités évidentes de singles.
Autre différence notable entre les deux albums, est le parti plus « pop » de Blond, avec ses productions chirurgicales, où chaque instrument trouve la place qui lui est due, où guitares acoustiques, orgue et cordes étoffent la voix suave de Frank Ocean. Si les invités prestigieux se bousculent au portillon, Beyoncé, Kendrick Lamar, Andre 3000, Pharrell Williams, Jamie XX, Tyler The Creator, Yung Lean, Hudson Mohawke, entre autres, la musique de Frank Ocean reste indéniablement la sienne, de par sa manière de coller les mots et de leur donner vie, de nous balader dans un monde un peu bubble gum au dépouillement viscéral et aux rythmiques squelettiques voir inexistantes.
Frank Ocean continue de séduire de par sa virtuosité vocale et sa façon de conduire sa carrière, de vouloir tester des choses de prime abord pas forcément perceptibles, qui prennent du relief au fil des écoutes, offrant un concentré de savoir faire à l’intelligence hors pair saluée unanimement par la critique. Un opus gorgé de gospel et de soul, de pop et de r’n’b, le tout enrobé dans un fourreau de subtilité et de sensualité subjuguantes. Il ne reste plus qu’à laisser le temps faire son travail et de voir comment toute cette agitation traversera les années.
Roland Torres
Frank Ocean – Endless
(Universal / Def Jam)
Août 2016
Frank Ocean – Blond/Blonde
(Boys Don’t Cry)
Août 2016