On connaissait les zombies à base de viande faisandée… Cette BD renouvelle le genre avec leurs homologues végétaux, cousins mobiles des plantes carnivores et guère plus avenants !
En 1804, le Capitaine Meriwether Lewis et le lieutenant William Clark mettent sur pied une expédition visant à explorer les territoires inconnus et encore sauvages des États-Unis. Leur expédition va très vite tourner au cauchemar quand ils découvriront que la région est infestée de monstres effrayants, semant la mort et contaminant leurs hommes d’un étrange virus…
Si Manifest Destiny respecte scrupuleusement tous les codes du comics US, il possède un petit quelque chose en plus : le bizarre… Car comme le dit lui-même Chris Dingess, le scénariste : « Si cette série est bizarre, c’est de la faute de mes parents », notamment sa mère qui vendait des comics dans la supérette dont elle était gérante. Le jeune Chris avait un faible pour les histoires les plus étranges comme Swamp Thing ou Tomb of Dracula… On ne lui en voudra pas, pas plus à lui qu’à ses géniteurs, ne serait-ce que parce que la série renouvelle avec un certain panache le genre zombie. Et des morts-vivants dont les veines sont remplacées par des tiges et du feuillage, c’est en effet vraiment bizarre, même si un tas de viande faisandé sur pattes, ce n’est pas forcément plus crédible, c’est juste qu’on est plus habitués… Il y a aussi ces énormes minotaures, ou plutôt centaures, bref, on ne sait pas trop, plutôt un genre de croisement absurde entre ces deux catégories, les humains et les bisons locaux… Voilà donc le charmant comité d’accueil qui va accueillir nos explorateurs en ces terres inconnues, lesquels y laisseront une plus ou moins grosse part d’eux-mêmes selon l’agressivité de leur interlocuteur…
Matthew Roberts possède quant à lui un style graphique très abouti et parfaitement adapté au genre, avec un vrai talent pour représenter de façon spectaculaire les monstres omniprésents tout au long du récit. Le dessinateur américain, qui a déjà eu le privilège de collaborer avec Robert Kirkman, le créateur de Walking Dead, parvient assez bien à instiller un sentiment d’effroi mêlé de fascination chez le lecteur.
Globalement, la narration, découpée en 6 chapitres (chacun étant vendu séparément aux USA, selon le format éditorial du genre en vigueur dans ce pays), est bien construite et on suit les péripéties de ces explorateurs jusqu’au bout. En prenant comme point de départ un fait authentique (la mythique expédition Lewis et Clark en Amérique du Nord) pour le transposer dans un contexte fantastique, Chris Dingess sait insuffler suffisamment de rythme et de mystère pour relancer constamment l’intérêt du lecteur. Le point faible serait à chercher du côté des personnages qui pour l’instant manquent quelque peu d’envergure et ne se distinguent pas vraiment les uns des autres – d’autant qu’un certain nombre périssent dans ce tome… Il faudra sans doute attendre le deuxième volet pour voir comment la série va évoluer (rien que le titre, Amphibiens et insectes, met déjà l’eau à la bouche, si l’on peut dire), mais incontestablement, le potentiel est là.
Laurent Proudhon
Manifest Destiny, tome 1 : La faune et la flore
Scénario : Chris Dingess
Dessin : Matthew Roberts
Couleurs : Owen Gieni
Editeur : Delcourt
160 pages – 15,95 €
Parution : 15 juin 2016