Avec My Woman, Angel Olsen revient avec un disque qui dépasse toutes les espérances que l’on avait mis en elle, loin du cliché de la folkeuse à problèmes.
Il faut apprendre à vivre avec ses regrets. Ne jamais avoir l’occasion de voir ou les Beatles ou Joy Division en concert. Avoir manqué Angel Olsen à la Route Du Rock en 2014 avant qu’elle ne devienne l’artiste majeure qu’elle est sur le point d’être. Je savais bien qu’il ne fallait pas tarder mais ce jour d’août 2014 et les embouteillages habituels sur les route de Saint-Malo m’empêchèrent d’assister à ce concert de la demoiselle pour qui un frisson d’excitation et de curiosité commençait à faire circuler le nom sur toutes les lèvres.
Un second album, Burn Your Fire For No Witness qui déjà annonçait l’émergence d’une grande grande artiste. Signée sur l’un des meilleurs labels d’Outre-Atlantique, le fameux Jagjaguwar, on savait dès 2014 que la petite jeune fille nous préparait de bien belles surprises. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle savait s’entourer, elle qui travaillait avec Bonnie Prince Billy et le Cairo Gang ou encore des membres des intouchables Wilco.
C’est dire si l’on attendait avec impatience le successeur de cet objet de 2014. My Woman dépasse toutes les promesses et toutes les espérances que l’on avait mis en la jeune fille. Délaissant un peu la mélancolie de Burn Your Fire, elle n’en oublie pas pour autant la crudité de ses propos.
Joignez-y une Power Pop qui devrait autant à Nada Surf qu’à Fleetwood Mac. On y croise un Doo Wap frais comme les mélodies des années 60. D’une sécheresse électrique plus évidente que sur le premier disque de la demoiselle, elle y balade sa grâce naturelle dans une énergie héritée des années 70 et le glam de Bowie ou des Kinks. Ce n’est pas révolutionnaire mais cela n’en a pas le but et c’est très bien ainsi. C’est surtout tellement bien écrit que l’on en oublie le petit manque d’originalité que l’on trouvait sur l’album de 2014. Elle gagne en variations des plaisirs ce qu’elle perd en versatilité dans ses compositions.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Angel Olsen se plait à se renouveler, quitte à surprendre, quitte à décevoir. Comme dans les épisodes de Game Of Thrones où il ne faut point trop s’habituer aux personnages principaux, les marottes chez la jeune femme ont pour point commun d’être éphémères.
Ce qui passionne la jeune américaine c’est d’élargir le spectre de sa musique, de provoquer la mutinerie dans l’agencement de ses mélodies sages. Elle semble vouloir faire taire ou pire faire un doigt pour le moins honorable à ceux qui trop facilement voudraient la classer dans la rubrique Chanteuse folk qui fait la gueule et fille à problèmes genre Chan Marshall. Elle est bien plus que cela la petite américaine. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Shut Up Kiss Me que Weezer ne négligerait pas et dans la foulée Heart Shaped Face et sa voix qui peut tout pour bien se rendre compte qu’Angel Olsen ne sera pas que le phénomène d’un ou deux automnes.
Ce qui est assez évident à l’écoute de My Woman c’est que ce disque est construit en deux parties, deux périodes, deux temps. Celui de l’énergie et de la spontanéité, les 5 premiers titres, pourrait-on dire. Une Pop électrique faussement simple. Et puis il y a un autre temps, le plus passionnant des deux, la seconde partie du disque.
On y retrouve tout ce que l’on aime dans la Pop américaine de ces trente dernières années, le lyrisme de Jackson Browne sur Sister, le groove de Those Were The Days où la voix d’Angel Olsen se fait suçon dans le cou. C’est quelque chose de délicieux, de mutin, de presqu’inoffensif. Pourtant cela reste bien longtemps après dans l’oreille.
Angel Olsen a ce talent d’installer les ambiances dans le temps et la durée. Prenez le sublime Woman, parfaite symbiose entre la Beth Gibbons des débuts et la PJ Harvey de toujours. Prenez Pops qui brise le cœur avec sa douleur non-feinte. Peut-être finalement Angel Olsen est cette demoiselle à problèmes dont il ne faut surtout pas mais alors surtout pas tomber amoureux. Bien sûr, vos amis vous avaient prévenu mais une fois de plus, vous n’avez pas su écouter la parole de la raison. Grand mal vous en a pris car vous voici obligé désormais de succomber sans fin aux délices de My Woman de l’irradiante Angel Olsen.
Greg Bod
Angel Olsen – My Woman
Label : Jagjaguwar
Sortie le 02 septembre 2016