Dans la lignée des précédents albums de Cass McCombs, « Mangy Love » est habité de mélodies lumineuses au service de textes sans concession.
14 ans que le nom de Cass McCombs circule sur les lèvres, qu’une petite rumeur court un peu chez les esprits éclairés. On entend dire qu’il y a un songwriter épatant qui officie depuis déjà quelques temps avec des textes acerbes qui n’ont rien à envier à ceux de Mark Eitzel pour ne citer que lui. On entend aussi que le type en plus d’être un mec qui sait utiliser les mots sait aussi trousser une mélodie comme personne. Alors comment se fait-il que ce monsieur ne puisse monter à la proue d’un bateau et hurler à la face de l’océan que lui aussi est le maître du monde ?
Bien sûr, le monsieur est loin d’être un inconnu à vos oreilles. Bien sûr, vous avez jeté une oreille à Catacombs ou Wit’s end en jurant qu’il vous faudrait revenir explorer l’univers accueillant de ce gars-là, mais à force de trop de profusion, d’une surproduction de nouveautés à découvrir tous les semaines (que dis-je, tous les jours), à chaque heure et à chaque seconde, on a vite fait de passer à côté de grands disques et de prendre comme des habitudes des rendez-vous manqués.
Mangy Love n’a rien de bien différent des autres disques de Cass McCombs, des mélodies lumineuses au service de textes sans concession car Cass McCombs est lui aussi de cette école, de celle des Songwriters.
Ne cherchons pas à traduire en français cette expression, cela n’aurait aucun sens ou plutôt cela lui ferait perdre toute sa sémantique. Ecrivain de chansons ? Mouais… Quelqu’un qui raconte des histoires en l’habillant de musique. Cela correspond sans doute plus à l’idée que l’on peut se faire d’un songwriter comme Cass McCombs. Lettré son univers qui doit autant à John Fante, à Ginsberg qu’à Lou Reed auquel on pense souvent à l’écoute de ce disque.
Car si vous venez chercher avec ce disque une voix et un pur chanteur, passez votre chemin car ici là n’est pas l’essentiel mais on sent surtout la volonté chez l’américain de dépeindre les couleurs d’une musicalité qui peut aussi bien se balader dans la Country de l’inaugural Bum Bum Bum que dans la Soul de Laughter is the Best medicine où l’on devine la fascination de Cass McCombs pour le funk blanc du Bowie de Young Americans.
C’est un disque à la fois uniforme dans le sens de cohérent mais en même temps volage et disparate. On entrevoit une malice sous-jacente.
La vraie force de Cass McCombs c’est de reprendre les ingrédients d’une Dusty Springfield par exemple sur Opposite House et d’en faire quelque chose qui ne peut être que lui. Rien de surprenant à voir le nouveau disque de Cass McCombs sortir en même temps que la dernière production d’Angel Olsen, My Woman. Ce n’est pas les hasards du calendrier mais sans doute l’expression d’une sensibilité voisine. Rien de surprenant non plus à retrouver sur Mangy Love la belle américaine et qui passe dans ce disque comme on entre dans sa propre maison.
L’américain est un romantique invétéré qui se cache derrière une coolitude un peu crâneuse car après tout et ce n’est pas moi qui le dit, les garçons ne pleurent pas. Pour autant, ne le résumez pas à un jeune poète qui chante ses émois amoureux. Il est bien loin de n’être que cela. Au contraire, c’est quelqu’un de son temps, ancré dans sa société et qui sait se poser là en critique de ce qui l’entoure. Osons le mot, Cass McCombs écrit des chansons politiques, pas de ces gaucheries maladroites engagées. Non mais des analyses bien troussées en quelques couplets. Un regard lucide sur l’Amérique d’aujourd’hui, un regard distant, un peu froid et clinique. Un sociologue déguisé en compositeur Pop mais évitons l’emphase.
Mangy Love est avant tout une œuvre de son temps et habitée par la période dans laquelle elle naît. De facture classique, Mangy Love n’en est pas moins constitué de douze titres qui provoquent la surprise à chaque écoute.
Greg Bod
Cass McCombs – Mangy Love
Label : Anti
Sortie le 26 août 2016