Partir à l’aventure à 20 ans. Sur un voilier. Avec son grand frère, Paul. Et si Lili avait pris là l’une des plus importantes décisions de sa vie. Au gré des escales, un récit initiatique vivifiant.
© Stéphane Askel – Mercure de France
On connaît sa voix. Sophie Avon est notamment critique de cinéma à la table du Masque et le Plume le dimanche soir sur France Inter. On connaît moins son écriture. Fougueuse. Vivifiante. Sa plume alerte est une bouffée d’oxygène. Il faut dire sur cette histoire sent bon les embruns et le vent d’autan ! Lili ou l’histoire à peine romancée de Sophie, la jeune bordelaise qu’elle était en 1980. Quand elle embarque sur le voilier Horus avec son frère. Un vieux rêve pour lui. Un rite initiatique pour elle. Pas facile pour autant. Elle laisse sur le quai son chéri. Son amour pour lui peut bien passer cette épreuve, pense-t-elle alors… Au fil du voyage, Lili se rend compte qu’il en sera finalement peut-être autrement.
Ce qu’on laisse à terre peut-il se retrouver si facilement ? Si la traversée forge l’esprit de Lili, son cœur n’est pas épargné par quelques secousses. Et ce n’est pas la question que loin des yeux… Vous savez ? Non ! Juste que les yeux découvrent l’ailleurs. Ceux qui sont restés ne partageront jamais cela. Le livre raconte les rencontres, les escales, les maux de mer des uns, les coups de fil qui font parfois mal au cœur des autres. Paul et Lili sont dans un même bateau… Lili ne tombe pas à l’eau mais se noie parfois. Le chagrin plutôt que le grain. C’est ce chamboulement intérieur qui tient en haleine. Qu’on soit en mer ou à terre, nous nous posons finalement tous les mêmes questions. Suis-je vraiment amoureuse de lui ? Les différentes expériences que je vis, si elles me rendent, moi, plus forte, ne rendent-elles pas notre couple plus fragile ? Ce que nous ne vivons pas ensemble, nous éloigne-t-il forcément l’un de l’autre ? Lui, resté à Bordeaux, n’aura jamais vu cela. Senti cela. Le fossé se creuse…
“Être entouré d’absence produit des sensations d’un autre ordre. Pas une coque à l’horizon, rien que notre embarcation, en plein cœur de l’océan, à des milles et des milles de la côte, nous trois flottant obstinément au milieu de nulle part – mais ce n’est pas nulle part, c’est à nos yeux l’endroit le plus vivant du monde. C’est le noyau pur de nos jeunes vies.”
“L’endroit le plus vivant du monde”… Et s’il fallait s’en aller loin, s’extraire du quotidien pour enfin se sentir vivant ? C’est cette question posée par Sophie Avon avec subtilité et intensité qui nous traverse et nous accompagne longtemps encore après la dernière phrase de ce livre si pertinent.
Delphine Blanchard
Le vent se lève
Sophie Avon
Éditeur : Mercure de France
176 pages, 16,80 €
Date de parution : 25 août 2016