Ceci n’est pas un polar ! Voici ce qui résumerait encore le mieux le dernier livre de François Bégaudeau. Drôle comme à l’accoutumée mais beaucoup moins nombriliste. On adore !
© E. Marchadour
François Bégaudeau ne laisse pas indifférent. On l’adore ou on le déteste. Certains adorent même le détester. En général, les pro- et les anti- ont pourtant les mêmes arguments. Les livres de l’auteur vendéen se suivent et se ressemblent… Égocentré au possible, l’écrivain parle de lui, de son enfance vendéenne, de son engagement citoyen à gauche toute, tire à boulets rouges sur le petit milieu littéraire parisien. Moi je vous l’avoue, je l’aime pour cela ! Son roman “rural” La Blessure, la vraie m’a touchée. Son précédent, le grinçant La Politesse, m’a scotchée. Comme diraient les filles du film Divines, Bégaudeau, il a du clito ! Parce que son côté féminin, il ne le cache pas… Dans Molécules, son personnage principal est, pour la première fois me semble-t-il, une femme. Fini le “moi je, François B” tant décrié par certains ? Bon, pas tant que cela finalement…
Mais revenons à l’histoire. Jeanne, la quarantaine, travaille à Annecy dans un établissement pour handicapés mentaux. Elle coule des jours heureux entre Charles, un mari pharmacien plus âgé qu’elle, et Léna, sa fille de 16 ans, jusqu’au jour où un voisin découvre son corps devant la porte de l’appartement familial… Madame la capitaine Brun et le brigadier Calot sont chargés de l’enquête. Ça commence donc comme un bon polar. Que s’est-il passé entre l’heure à laquelle Jeanne est sortie de son travail et l’heure du crime ? Qui est le coupable ? Sauf que Bégaudeau nous cueille en délivrant toutes ces réponses finalement assez vite. Car ce n’est pas ce sujet-là qui l’intéresse. Cette enquête policière n’est qu’un prétexte pour un tout autre livre.
C’est dans la dernière partie que la véritable intrigue se fait. Amoureuse celle-ci. Entre Léna, la fille de la victime et un certain… prof de lettres tendance gauchiste-anarchiste ! Toute ressemblance avec une personne ayant vraiment existé n’est pas purement fortuite. Notons au passage la meilleure phrase de cette rentrée littéraire : “Mon but n’est pas d’aimer mais d’éprouver que je suis aimable”. Simple et percutante. Comme l’écriture de François Bégaudeau qui donne à réfléchir, dans le dernier tiers de ce livre, sur le sens de la vie… De l’amour à la mort. Peut-on sauver les gens que l’on aime ? Peut-on se remettre de la perte d’un être cher ? La vengeance est-elle nécessaire à la survie ? Une quelconque rédemption est-elle possible ? Le facétieux Bégaudeau use de son humour sans abuser de bons mots faciles. Il passe au crible les petits humains que nous sommes. Sans oublier de s’égratigner au passage. Entre Bégaudeau et nous, il y a décidément des atomes crochus.
Delphine Blanchard
Molécules
François Bégaudeau
Éditeur : Verticales
256 pages, 19,50 €
Date de parution : septembre 2016