Voilà 25 ans que Neil Hannon avec The Divine Comedy nous balade de disque en disque. Certains relevant de la bonne pioche, d’autres d’un petit goût d’anecdotique. Foreverland se tient dans un exact entre-deux. Et clive nos critiques.
L’avis de Greg:
Depuis plus de 20 ans, Neil Hannon promène sa stature de Dandy un peu suranné, un peu en dehors des modes. Certains n’y voient qu’une pâle copie en plus terne de Scott Walker et du meilleur de la Pop orchestrale des années 60. Et puis il y a les autres comme cet ami chanteur, un certain Manuel Ferrer, patron du projet A Singer Must Die, qui me vantait les talents d’arrangeur de l’irlandais à la seule écoute de A Certainty Of Chance sur Fin de siècle. Il faudrait être de bien grande mauvaise foi pour ne pas reconnaître ce don singulier chez Neil Hannon. Le problème car il y a toujours un problème, c’est qu’au même titre que certaines personnes qui s’écoutent parfois trop parler, le patron de The Divine Comedy, à force de polir son ouvrage, lui donne également comme quelque chose de lisse.
On ne doute jamais de la sincérité dans le propos ni de la chaleur humaine évidente qui se dégage de sa musique mais on retrouve sur quelques-uns de ses crus des facilités et des maladresses qui nuisent à l’ensemble. Sans doute, est-on exigeant avec le bonhomme car l’on connaît son potentiel quand il ne se laisse pas aller à la paresse ?
Il fait partie des rares dans la Pop d’aujourd’hui à proposer des arrangements à la fois inventifs et dans le patrimoine en mode Burt Bacharach, Lee Hazlewood et consorts.
Malheureusement, Foreverland fait partie de ces disques inégaux comme Neil Hannon en fait parfois. Inégaux car ses chansons semblent piocher dans son répertoire passé mais en en proposant une version altérée et dégradée. Certes, l’on devine bien ici et là des pistes nouvelles. Certes, c’est bien agréable à l’écoute tout cela mais on attend bien plus de Neil Hannon. On croise les mêmes marottes chères à l’auteur de Liberation, les valses vaguement rétro, les climats désuets à la Petula Clark de Funny Peculiar.
Le problème car il y a toujours un problème, c’est que l’on a le sentiment de voir des idées poser là, à peine esquissées, à peine travaillées.
On pourra se moquer d’un tel raisonnement à l’écoute de The Pact avec ses lignes claires d’une classe absolue. Tout cela est bien inoffensif, comme sans risque. Un peu bourgeois, un peu installé, sans danger.
Il ne faudrait pour autant pas voir dans ce disque l’installation d’un désamour avec la musique de The Divine Comedy. Comme dans toute histoire d’amour, une relation est faite de brouilles, de réconciliations, de coups d’éclat et de retour à l’autre. To The Rescue a la saveur des grands disques de The Divine Comedy, 5 minutes et une poignée de secondes qui viennent résumer et donner la définition de ce qu’est et doit être la Pop quand elle est à son meilleur. Un hymne à l’offensive tendre, au combat langoureux.
C’est bien à l’écoute de ce titre que l’on prend conscience du problème de Foreverland car le reste de l’album manque de cette consistance adjointe, ce supplément d’âme qui habite To The Rescue.
Neil Hannon retrouve la nonchalance crâneuse de ses débuts, cette communauté d’esprit avec le Paul Weller de The Style Council.
Le problème avec The Divine Comedy et Neil Hannon, c’est que l’on ne leur pardonne de nous proposer des œuvres mineures quand on sait combien ils sont capables du meilleur.
Certes, Foreverland est loin d’être un album honteux mais c’est sans doute parce qu’’on l’aime tant que l’on attend bien plus de lui.
Juste pour le plaisir de retrouver cette étincelle pétillante dans le regard de l’ami Manuel Ferrer de A Singer Must Die à la simple évocation des arrangements de ce génie de la Pop.
Greg Bod
L’avis de Denis:
Depuis … Vache 20 ans, l’Irlandais de poche Neil Hannon rode en parages pop et rock. Et pour être tout á fait franc avec toi , ses derniers essais qui l’avaient emmené se transformant en clone dandy du Radiohead de the bends ne m’avait pas totalement charmé. Le groupe d’un seul homme se transformait en groupe rock standard, un peu anecdotique toutefois. Et moi de ranger The Divine Comedy dans les rayonnages mélancoliques de mes gloires post adolescentes.
Or, le gentleman farmer largement quarantenaire, installé dans les pâtures irlandaises au coeur de l’arche du Foreverland qui donne á la fois son nom á l’album et parfois même les petits arrière plans de sons estivaux, revient aux affaires par la grande porte.
Renouant avec cette veine á tendance ballade romantique grandiloquente qui fit sa gloire á l’époque de Casanova, Hannon nous livre l’équivalent post Britpop du Ram de Mac Cartney. Soit un album libéré, basique mais riche, aéré par la bienveillante et apaisante atmosphère d’un coin de verdure de son île natale. Un album de « vieux » qui a le bon goût de ne pas tout miser sur la formule sonore signature du groupe, mais d’arriver á l’enrichir de mélodies qui se fraient un durable sillon entre les oreilles.
Hannon épaulé par sa femme qui le rejoint sur un tendre et « twee » funny peculiar qu’on dirait évadé d’un Jacques Demy , nous offre une compilation de ballades pop toutes plus belles que les autres, où il se rappelle que la simplicité des constructions le firent jadis connaître sur promenade et liberation,tandis que ce furent les arrangements majestueux et riches qui firent sa gloire…Et parfois aussi sa boursouflure il faut bien l’avouer.
Les morceaux de foreverland retrouvent l évidence de Promenade et la classe « pied de poule á trois boutons » des arrangements du short album about love (cordes, bois, piano, cuivres, accordéon… Sont de la partie); avec un je ne sais quoi de je m en foutisme affiché (qui ouvre une chanson sur le hennissement de son âne ou termine une chanson dédiée á ses amours passées sur un bla bla bla qui évite de se casser la tête á trouver une coda?)
Cette simplicité qui ne cherche á rien prouver d’autre que la joie de revenir et de démontrer les plaisirs simples de la vie de famille á la campagne fait mouche. Les fans de la première heure retrouvent les joies de l’univers dandy de l’Irlandais, qui leur évite le petit sourire gêné du fan un peu déçu d un retour fainéant et peu inspiré á l’identique. Les morceaux sont inspirés, entrainants apaisants , et d’une classe folle.
Près de vingt années après notre première rencontre musicale il a le bon goût de démontrer que si son identité artistique est affirmée et en forme de carte de visite de son happy place il n en a pas pour autant oublié de forger son oeuvre sur l’enclume de la créativité.
Album automnal et charmant fort de ses mélodies efficaces foreverland est de ces rares albums de groupe installé, qu’on peut avoir envie de préférer á ses gloires passées au moment de présenter the Divine Comedy aux « millenials ». Une bonne introduction á Neil Hannon pour toute une génération á qui l’apport du bonhomme á la Britpop serait au mieux un vague souvenir. Ni surranné, ni complaisant Foreverland rejoint immédiatement le cercle assez fermé des albums intemporels dont pourraient s’enorgueillir n’importe quelle discothèque. Fonce. En vinyl en compact disc ou même en MP3 ce disque est un concentré de classe musicale.
Denis Verloes
The Divine Comedy – Foreverland
Label : Divine Comedy Records
Sortie le 02 septembre 2016