Christian Löffler revient avec un troisième album qui porte toujours sa signature sonore tout en cherchant à insuffler quelque-chose de nouveau en sortant de sa zone de confort, avec le risque de ne pas pousser le raisonnement jusqu’au bout.
Christian Löffler est l’un de ces artistes peu connus mais qui a su se constituer une base de fidèles. Malgré deux premiers albums et un EP de très haute volée, l’allemand n’aura jamais vraiment fait l’objet d’une quelconque hype. Pourtant tous les éléments sont là : une electronica élégante et accessible teintée d’éléments organiques apportant texture et chaleur, une signature sonore reconnue qui fait le bonheur de ses fidèles.
C’est donc avec une certaine fébrilité que commence l’écoute de Mare. Essaiera-t-il à nouveau de nous atteindre avec cet équilibre entre richesse des détails et accessibilité ? Mais dans ce cas-là, saura-t-il se renouveler ? Ou au contraire, observera-t-on une démarche artistique visant à gagner en profondeur dans une démarche moins accessible mais possiblement plus qualitative sur le long terme ?
Dès la première piste, on se retrouve en terrain connu ; c’est limpide, minéral et fluide. Puis, il est immédiatement clair qu’un travail de recherche sonore a été effectué; ça fourmille de détails et on se retrouve en présences de nouvelles sonorités qui viennent agrémenter le tout. On se dit alors que l’on est parti pour 17 pistes de rêverie et d’évasion spirituelle… 17 pistes, c’est long.
Au fur et à mesure de la découverte de l’album, la sensation de ne pas prendre de la hauteur s’installe. Les titres se suivent avec monotonie sans dissociation marquante, la faute à un manque de contraste, d’une mélodie négligée et surtout d’équilibre. Très rapidement, alors que la longueur de la chanson est propre à une construction tout en progression et autres changement rythmiques, la trame entière est dévoilé et va, sans réelles évolutions, dérouler pendant 6 min. Et le malheur c’est que cette trame est de qualité, mais qu’elle ne tient pas sur la longueur, comme un élève auteur d’une belle introduction mais qui n’aurait pas de plan pour élaborer ses idées.
C’est sur les titres un peu plus courts, plus directs, se voulant moins riches, moins réfléchis et qui parsèment l’album où l’on retrouve du plaisir. Comme une libération pour un artiste qui se permet des fulgurances dans ce cadre imposé d’album complexe faussement ésotérique. Malheureusement, on a cette impression que Christian Löffler a voulu pousser son sujet en adoptant un format long qui lui permettrait de construire ses idées, pour créer un album qui voudrait qu’on lui consacre du temps d’écoute pour l’aimer, mais qu’il n’a pas eu la méthodologie (car le fond est là) pour correctement équilibrer l’album.
Malgré ces fulgurances qui font office de pics sur cet encéphalogramme assez plat et le raffinement de la signature sonore sur tout l’album, il faut mettre en perspective le travail de Christian Löffler et constater que si la technique a évolué et qu’il y a une volonté d’approfondir le sujet, cet album confirme son style mais ne nous atteint jamais de par un manque d’aspérités permettant de s’y attacher. La volonté d’être quelque-chose qu’il n’est définitivement pas, à savoir un album d’apparence simple mais riche de nuances sur la longueur, fait que l’album n’est ni particulièrement excitant sur ces quelques fulgurances, ni intéressant sur ces structures les plus complexes. On préférera ses premiers travaux (A Forest, Heights) ou les petits nouveaux (Superpoze, pour ne citer que lui) pour les premiers, et Pantha du Prince/A Winged Victory for the Sullen pour les deuxièmes. L’habit ne fait pas le moine.
Christian Framezelle
Christian Löffler – Mare
Label : Ki Records
Sortie : 7 octobre 2016