Le Festival international du film de La Roche-sur-Yon (Fif) c’est bien plus qu’un événement culturel comme un autre. L’occasion de voir des films en avant-première, oui ! Et surtout la renaissance d’une ville pendant une semaine. Regard d’une Yonnaise pur jus !
C’est beau de voir une ville s’éveiller… Quand on habite La Roche-sur-Yon tout au long de l’année, traverser la place Napoléon n’est qu’une simple routine, divaguer sur l’esplanade du Manège n’est qu’une question d’habitude et la ville ne semble être qu’une belle endormie. Le réveil lors de la semaine du Fif n’en est donc que plus surprenant ! Le chapiteau installé face à Napoléon force le badaud à s’interroger. Parfois même à lever le nez. Non, le Fif n’est pas qu’un repaire d’initiés, doux rêveurs qui s’enferment dans des salles obscures pendant une semaine. Le Fif a su, au fil des années, s’ouvrir et insuffler à la Ville napoléonienne un élan. Pierre Guiho a raison quand il dit qu’il s’est passé quelque chose cette année, qu’un cap a été franchi. La preuve aussi par ces 22 000 entrées offrant ainsi au festival le record de fréquentation.
C’est beau une ville la nuit, disait l’autre. Je paraphrase : c’est beau La Roche-sur-Yon pendant le Fif. Même les sets de table dans les restaurants nous rappellent que plus rien n’est identique cette semaine-là ! Sachez, si vous avez la chance d’y aller, que vous entrerez dans une autre dimension. Un monde parallèle où Reda Kateb foule la moquette du cinéma Le Concorde accompagné de son chien Paulo. Où Paulo (Branco cette fois, le producteur, pas le chien de Reda !) irradie le théâtre municipal de ses anecdotes fleuries et de ses coups de poker en terme de financement de films. Où Bertrand Bonello, le réalisateur du si troublant et néanmoins vivifiant Nocturama et l’acteur du si beau Dos Rouge se met en danger lors d’une performance musicale absolument sublime. Sur les rushes d’un film jamais fini, il nous a offert un moment unique. Dans l’obscurité du théâtre, seule la pomme de son ordinateur scintillait et le visage concentré de Bonello happait le regard. Même la beauté froide de sa “Madeleine d’entre les morts” ne pouvait lutter contre cette image cinématographique au possible. Quelle chance d’assister à cela. Ici. À La Roche-sur-Yon. Un jeudi soir d’habitude taciturne, malgré les tonus estudiantins !
Et puis il y a eu Bruno Podalydès. Que l’on croisait presque sans s’en rendre compte, tant l’acteur dans son long manteau noir s’est fondu dans le décor. Simple, avenant, et si drôle répondant aux questions des deux garçons de la revue nantaise Répliques. Toujours au théâtre. Décidément, cette salle comme un écrin intimiste est propice à la confidence. Pas de révélation mais deux ou trois phrases sur Pierre Arditi, l’homme très occupé du cinéma français, auront suffi à nous embarquer. Pas méchant, juste lucide. Et puis quel bel hommage, tout au long de cette conversation à trois, à son frère Denis, son double pourrait-on même dire. Et puis à Anne-Françoise Brillot, la muse, l’accompagnatrice, la photographe de plateau de choc.
Entre une jeune fille de 90 ans qui tombe amoureuse d’un danseur, un teckel qui vomit sur la moquette de la villa américaine de Julie Delpy (non je ne parle pas du chien de Reda !), une éleveuse de chevaux prête à faire plus de deux heures de route pour sentir des papillons dans le ventre, des parents qui retombent en adolescence… le Fif m’a prouvé – si j’en doutais encore – que La Roche-sur-Yon ou Cannes, même combat ! Le Papy’s en plus pour nous !
Delphine Blanchard