Le retour d’un sale gosse inclassable, génie méconnu entre Pop et foutraque avec son second disque solo, Pigeonheart de DM Stith.
Tant qu’à faire, il se plait à brouiller les pistes dans la foulée de son album qui s’était un peu fait remarquer pour sortir un disque de groupe sous le nom de The Revival Hour avec John-Mark Lapham des secondes zones de The Earlies. Une fois encore, un bien bel objet mais rien qui permette à ce surdoué de se faire véritablement un nom en place de l’ombre dans laquelle il semble se complaire.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué me direz-vous ? Avec Pigeonheart, le jeune homme ne trouve pas mieux que de commencer cet album avec un titre tarabiscoté et pour le moins dérivant, le bien nommé Human Torch. Il y a chez l’américain comme la volonté de faire mouvoir les fondations de sa musique vers quelque chose de l’ordre de l’impalpable.
Tout y sent le biscornu avec une petite pointe de raillerie envers son auditeur. Une mélodie chez Stith est faite pour être brisée, cassée, corrompue. Prenez Sawtooth toute en tension électronique dans lequel le New-Yorkais s’amuse comme un sale gosse.
On pourra à ces comptines accidentées préférer les nuances de Summer Madness , sublime point de rencontre entre Paul Simon, Nils Frahm et Grand Salvo ou les mouvances expérimentales de War Machine.
Ce que l’on retient d’un disque de DM Stith c’est assurément les capacités vocales de l’américain qui laissent à penser qu’un ange est tombé sur Terre. On comprend d’ailleurs encore mieux l’intérêt que peut lui porter l’auteur d’Illinoise quand on écoute Cormorant qui joue avec le classicisme et l’alambiqué. Amylette pourrait sortir tout droit de The Age Of ADZ quand Rooster déclencherait l’enthousiasme des fans de Grizzly Bear ou d’Animal Collective. On y retrouve la même folie foutraque que chez la bande à Gruff Rhys.
DM Stith tape juste dans bien des registres, que cela soit dans les effluves néo-psychédéliques, dans l’énergie électronique ou dans le dépouillement temporaire de Up To The Letters.
DM Stith est un sale gosse sans doute conscient de son génie mais qui prend un malin plaisir à nous désarçonner toutes les deux secondes….
« Ah ah tu croyais que j’allais faire ça, semble t-il nous dire. Et ben t’as qu’à croire… »
Un sale gosse qui a tous les derniers jouets, les plus beaux, les plus chers et qui s’amuse à les péter à coups de marteaux. Cela ne rend que plus difficile l’écoute de ses disques ou alors sans doute faut-il partir du principe que l’américain n’a à peu près que faire de ses auditeurs ou peut-être dans un fugace moment de lucidité et de modestie se dit-il qu’il préfère croire en notre intelligence.
On en tirera bien des richesses comme le sublime My Impatience ou le titre qui donne son nom à l’album, un petit joyau a capella.
Soyons clairs, ce disque de Pop n’est pas un disque de Pop. Ce n’est pas non plus de la musique expérimentale. A vrai dire, on ne sait pas bien ce que c’est. L’œuvre d’une teigne assurément qui continue de nous toiser, à distance, au loin et que l’on ne finit pas d’explorer.
Greg Bod
DM Stith – Pigeonheart
Label : Rough Trade
Sortie le : 29 juillet 2016