Faisant fi des étiquettes, la batteuse Anne Paceo revient avec un quatrième disque, Circles, qui doit autant aux Hip et Trip Hop qu’au territoire des musiques improvisées.
On a tellement besoin de classer les gens dans des tiroirs, de nommer ce qui est possible. Cela doit nous rassurer sûrement. L’humain a ce besoin de tri et d’étiquetage dans les veines. C’est dans notre génome que doit s’inscrire cette volonté d’organiser le vide. Pourtant c’est beau l’aspérité et le non-conformisme d’une aventure humaine. Alors quand en plus, cette aventure se conjugue au présent d’une musicalité énigmatique, il faut d’autant plus répondre présent.
Anne Paceo, batteuse de métier et de cœur, avec son quatrième disque, Circles, propose quelque chose d’à la fois inclassable et enthousiasmant. Elle qui dit vouloir proposer un jeu mélodique avec sa batterie continue de créer un univers aux contours flous. Là où son disque précédent , Yokai, ressemblait à un carnet de voyages, Anne Paceo semble remettre tout à plat avec Circles. Libérée de l’entrave de la notion du genre, elle laisse libre cours à ses envies. Que cela soit Sunshine ou le Scatt 2.0 de Today, elle ne laisse pas de prise à l’autre pour la moindre tentative d’enfermement de sa musique. Il faut dire qu’elle est bien entourée dans cette démarche avec le prodigieux Émile Parisien (saxophone soprano), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Adrien Daoud (saxophone ténor & claviers additionnels).
On retrouve sur Circles la couleur des voyages sur Toundra ou encore Myanmar Folk Song. D’ailleurs mon petit doigt m’a dit qu’Anne Paceo travaillait actuellement à un projet autour de la musique du Myanmar. Pour autant, ne vous attendez pas une musique folklorique ancrée dans le passéiste, on est plus proche du patrimoine imaginaire d’un John Zorn avec un air chargé en électricité comme avant un orage.
Il sera difficile de ne pas succomber à la force fragile de Birth and Rebirth que l’on pourrait croire sortir d’un Dummy de Portishead digéré, apaisé. Arrivé à ce stade de Circles, on se dit que décidemment, il sera bien difficile de classer le travail d’Anne Paceo et tant mieux pour notre curiosité. Ce ne sera pas Tzigane et son retour à des structures Free Jazz mais aussi électroniques qui viendra nous contredire ou encore cette petite perle de douceur qu’est Patience en évidente ouverture à Myanmar Folk Song. On se croit alors .dans un disque de Jan Garbarek .
La seconde partie du disque reprend les couleurs du Jazz avec Moons et sa mélodie mouvante quand Sables ou encore Circles dessinent les contours d’une scène qui laisse une belle place au jeu de batterie de la dame.
Nous parlions de Jan Garbarek un peu plus haut. Dans la famille Garbarek je voudrais la fille. A l’écoute de Polar Night, on croit y entendre la trop rare Anja Garbarek. Le climat est plus frais mais pas exempt d’une vraie chaleur. A tempestade, en conclusion, se veut comme un trait d’union entre des genres musicaux qui ne se rencontrent jamais, la Bossa nova, le hip hop, l’éléctronique et le Jazz. Il ne s’agit pas de fusion ici mais de destruction de ce concept sclérosé qu’est le genre justement.
Car c’est toujours de l’aventure que naît une excitation nouvelle, car c’est toujours du refus des contraintes que ressort le meilleur, Anne Paceo s’emploie à nous égarer tout au long d’un disque brillant et résolument sans frontières, de cercles en cercles…
Greg Bod
Anne Paceo – Circles
Label : Laborie jazz
Sortie le : 01 janvier 2016