Le jour où Julie Dachez découvrit qu’elle était atteinte d’autisme Asperger fut pour elle comme une renaissance. Un récit qui met au tapis avec humour les préjugés conformistes.
Marguerite est une jeune fille comme les autres, en apparence du moins. Elle-même se sent différente et connaît quelques difficultés au contact des autres. Outre son besoin de planifier sa vie quotidienne, le bruit et le brouhaha des conversations au bureau la gênent, et elle ne parvient pas à saisir l’humour et le second degré pratiqué par ses interlocuteurs. Une situation source de souffrances morales la conduisant à entamer une introspection qui va lui changer la vie…
L’idée répandue selon laquelle un autiste est « quelqu’un qui bave et se tape la tête contre les murs » est une grave déformation de la réalité. Car l’autisme recouvre quantité de formes, et le syndrome d’Asperger n’en est qu’une parmi d’autres, beaucoup moins visible et peu connue en France, autant du public que des professionnels de santé. Pour battre en brèche ces clichés, Julie Dachez, elle-même atteinte de ce « mal » qu’elle a réussi à dompter, est devenue en quelque sorte devenue une militante de la « neurodiversité », et fait aujourd’hui référence à travers son blog et les conférences qu’elle donne régulièrement.
A ce titre, le récit quasi-autobiographique qu’elle en a fait est très instructif. Et qui de mieux pour l’adapter en BD que Mademoiselle Caroline, qui elle-même a relaté sa dépression (autre affection « neurologique ») dans Chute libre, carnets du gouffre (Delcourt, 2013) ? Avec son trait simple et rond et ses couleurs fraîches, la jeune auteure sait insuffler ce qu’il faut de légèreté et d’humour, évitant tout larmoiement. Celle-ci sait avec finesse rendre touchante le personnage de Marguerite, par sa maladresse et cette « tour d’ivoire » dans laquelle la confine « Asperger ».
Les « Aspies » ressemblent à tout le monde en apparence, si ce n’est qu’ils sortent des codes sociaux dans leur façon d’agir et de s’exprimer. Le contact des autres et le bruit sont pour eux une source de fatigue, et sans être forcément ermites, ils se ressourcent plutôt dans la solitude et le silence. Hypersensibles, directs, maladroits, mal à l’aise avec les exigences de la vie quotidienne : autant d’autres caractéristiques qui les placent en marge d’une société obsédée par la norme, mais ce sont également des êtres passionnés, sans préjugés, et capables d’une concentration exceptionnelle (une qualité appréciée par les entreprises en informatique).
Ainsi, La Différence invisible interroge chacun d’entre nous, de manière plus générale, sur son propre degré d’acceptation de l’autre et de sa différence. Une lecture recommandée, contre les préjugés et l’intolérance, avec cette phrase affichée par Marguerite sur la porte de son frigo et résumant assez bien le propos du livre : « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. »
Laurent Proudhon
La Différence invisible
Scénario : Julie Dachez
Dessin, adaptation du scénario et couleur : Mademoiselle Caroline
Editeur : Delcourt
96 pages – 22,95 €
Parution : 31 août 2016
A voir absolument l’interview de Julie Dachez :
La Différence invisible – Mademoiselle Caroline & Julie Dachez – Extrait :