Un recueil de poésie et deux albums. Passages à tabac, passages au tabac, ça bastonne et ça enfume pour Pascal Bouaziz !
Je vais une fois de plus me positionner en mec qui débarque. J’ai quarante-trois ans presque quarante-quatre… en fait quarante-quatre mais je suis encore trop loin de ma prochaine bougie pour supporter de déclamer haut et fort que j’ai presque quarante-cinq. Ça sonnerait un peu creux je trouve, au sens trou, au sens Requiem, au sens « On tombe vite dans le passé ! » Et bien… malgré cette longue expérience et finalement cette espèce de contemporanéité avec Pascal Bouaziz, je n’avais, jusqu’à l’année dernière, jamais entendu parler de lui. Le nom de Mendelson me disait quelque chose… un peu comme Diabologum tiens… pour le parallèle de label (Lithium et Ici D’Ailleurs)… mais je ne m’étais jamais donné la peine d’aller plus loin dans l’investigation. Ça en dit long sur mon manque de curiosité et ma suffisance. Ça en dit long sur le manque de curiosité et la suffisance de notre époque même.
Il aura donc fallu attendre 2015-16, l’année Pascal Bouaziz, pour que je me préoccupe de cette affaire. Un peu comme la Gentillesse, les Droits de l’Homme, les Rillettes du Mans, la Femme, l’Autisme, les Animaux De Compagnie ou la Barbe et les Rouflaquettes… pourquoi pas… avec leurs journées internationales. Sauf que là, ça n’a pas été décrété par l’O.N.U., la S.P.A. ou une quelconque association plus ou moins intéressée mais par deux-trois journalistes en mal de bons mots, merci à eux, et, plus objectivement, par l’actualité du garçon.
En quelques mois, trois sorties pour Bouaziz : Novembre 2015, Bruit Noir, I/III (label Ici D’Ailleurs), en collaboration avec Jean-Michel Pires, monolithe talk-over quasi-inaccessible de poésie brute et quotidienne, sociale mais pas politique, ethnographique presque. Simplement magnifique. Avril 2016, Passages, recueil de pensées, fulgurances et souvenirs en forme de mini-poèmes aux éditions Le Mot Et Le Reste. Mai 2016, album solo, Haïkus (label Ici D’Ailleurs), calme, acoustique, chanté, flirtant avec la variété au sens noble du terme. Petites ritournelles diamétralement opposées aux longues diatribes scandées de Bruit Noir.
Parlons de Passages. Pas qu’il faille choisir mais parce que, comme son titre l’indique, le livre est un lien, un pont, un passage donc, entre ses trois œuvres.
Triptyque à l’intérieur du triptyque, le recueil raconte un homme dont la vie change. Elle reste monotone, classique, laborieuse, citadine sa vie, mais elle va de la nuit vers le jour, de l’Enfer au Paradis en passant par le Purgatoire pour l’analogie dantesque, de la réclusion à la liberté. Ça parle d’un couple qui se casse la gueule et d’un autre qui se forme. C’est romantique comme projet finalement : l’amour lampe-torche dans la forêt sombre du milieu du chemin de notre vie (re-analogie dantesque).
Ça se lit très vite, comme un journal intime, c’est assez impudique, c’est beau.
Des choses comme ça :
« Une fourmi
Il est simple de savoir à quoi elle sert : ça se voit
Mais toi ?
Accrochée à ton téléphone »
« Cessez d’écrire s’il vous plaît
Je ne suis pas curieux de vous connaître »
Deux vers qu’on retrouve justement et joliment chantés dans Haïkus.
L’album Haïkus est délibérément relié aux deuxième et troisième parties du bouquin jusque dans les textes, l’album de Bruit Noir décrit assez bien le chaos mental de la première partie de Passages et, sauf erreur de ma part, revendique même la chose avec son titre I/III.
Et pour pointer du doigt l’unité thématique du travail de Pascal Bouaziz, je dirais bien qu’au final la chanson qui parle le mieux de ce bouquin c’est Ce N’Est Plus La Peine de Mendelson qui figure sur le très chouette album Seuls Au Sommet (2003).
Bref, Pascal Bouaziz s’amuse bien et brouille les pistes. Il est prolifique, qualitatif, donne dans l’art global presque et c’est assez génial. Ce qu’on retient de tout ça, c’est ce besoin viscéral et vital de s’exprimer, en hurlant ou chuchotant, peu importe le support.
Pourvu que ça dure.
Stéphane Monnot
Pascal Bouaziz – Passages
Editions Le mot et le reste
176 pages – 17€
Parution : avril 2016
Pascal Bouaziz – Haïkus
Label : Ici d’ailleurs
Sortie : mai 2016