Alors que Yann Tiersen sort un disque en forme d’hommage à son île d’adoption, l’irradiant Eusa, l’islandais Olafur Arnalds, lui, nous accompagne le long des côtes escarpées de son pays natal.
A quoi peut-on dire qu’un disque est de cette catégorie des disques de chevet ? Plusieurs indices viennent nous confirmer ce ressenti que ces œuvres sont des compagnons de toujours. Prenez And They Have Escaped The Weight Of Darkness d’Olafur Arnalds, il n’est pas une semaine sans que je ne l’écoute au moins une fois depuis sa sortie en 2010. Témoin et accompagnateur de tous les petits drames et autres joies qui forment une vie, il a toujours été là… Un peu comme un baume cicatrisant, un peu comme une caresse, un peu comme une empathie.
Le problème des disques de chevet, c’est que l’on en cherche encore l’accomplissement, la prolongation en mieux dans les albums qui suivront et qu’il est rare que l’on s’y retrouve. Une fois n’est pas coutume, Olafur Arnalds vient contredire cette hypothèse. A l’époque, encore confidentiel, l’islandais a depuis fait son chemin qui la conduit à une plus grande reconnaissance largement méritée. Moins classique et élaboré que son ami Nils Frahm, plus pop que Dustin O’Halloran, Olafur Arnalds construit lentement un répertoire qui s’étoffe tant dans son contenu que dans ses arrangements. Bien entendu marqué par l’école minimaliste (Glass, Nyman, etc…), il n’en oublie pas pour autant d’amener sa musique vers une contrée plus personnelle.
On aurait pu craindre le pire quand forcément son univers fut capté par le monde du cinéma. La peur du piège de rendre sa musique plus lisse, sans aspérité. Il suffit d’écouter la bande originale de la série anglaise Broadchurch pour être convaincu de la pertinence de son choix.
Bien sûr, il n’est pas le premier à déclarer sa flamme à l’Islande, le pays de son enfance et de toujours. On se rappellera du Heima des grands frères de Sigur Ros. Avec Island Songs, il nous invite à découvrir des paysages sonores et visuels à travers les sept titres et le dvd qui les accompagne.
Ce qui est nouveau dans Island Songs, c’est cette utilisation des cuivres, que cela soit sur 1995 ou encore Oldurot. On pense alors à Gavin Bryars ou John Luther Adams, deux grands oubliés quand on parle de l’école minimale. Il ne faudrait pas limiter l’un à son Sinking Of The Titanic et l’autre à Songbirdsongs car il est évident qu’une bonne partie de la scène que nous adorons, Stars Of The lid en tête leur doit un lourd tribut et pas seulement à Brian Eno.
Il sera difficile de ne pas être happé par la beauté cristalline et sibylline de Raddir et de son chœur. On pensera là à Max Richter et son disque marathonien Sleep. Il y a chez Olafur Arnalds un remarquable mysticisme qui se nourrit de la glace, du granit des paysages qu’il traverse.
Ce qu’ont en commun tous ces pianistes, de Nils Frahm en passant par Peter Broderick ou encore Dustin O Halloran et Olafur Arnalds, bien entendu, c’est cet apprentissage du jeu à travers les œuvres de Debussy ou encore Satie auquel l’on ne peut s’empêcher de penser à l’écoute de Dalur.
Particles, lui renvoie aux pistes proposées sur For Now I am Winter avec cette Pop lyrique, toujours au bord de l’emphase mais de ces exagérations qui se nourrissent de l’économie. Mention spéciale à la voix de Nanna Bryndis Hilmarsdottir qui ne choisit jamais entre puissance, sobriété et fêlure. C’est beau comme du This Mortal Coil, aérien comme du Kate Bush et éternel comme la voix de Lisa Gerrard.
Doria fleurt les départs, les au revoir, vous savez cette impression d’adieu que l’on ressent quand on quitte une île, qu’on la voit s’éloigner, devenir un point flou sur l’horizon au milieu de l’eau. Cette impression d’y laisser quelque chose, on ne sait pas vraiment quoi. Ce silence dans nos têtes et le seul bruit du vent.
Greg Bod
Olafur Arnalds – Island Songs
Label : Decca Records France
Sortie le 12 août 2016