Il est ici question de voyage au creux d’une forêt profonde pour Early Spring Horses, ce projet de Vincent Stockholm, comme la rencontre possible entre Sylvain Chauveau et Sébastien Schuller.
Que ceux qui n’entendent rien à la lente progression d’un murmure, à la simple évocation d’un doute passent leur chemin car la beauté fragile d’un disque comme celui de Early Spring Horses n’a pas à frayer avec leur lourdeur. Que les autres entrent donc, ils devraient à coup sûr trouver leur comptant et bien plus encore dans What The Wood Whispers To Itself.
Envisageons tout de suite les influences qui habitent ce disque pour nous débarrasser de ce besoin d’identifier en l’autre des envies. On pense bien sûr à David Sylvian et ses arbres brillants mais aussi les moins connus et plus germaniques Wolfsheim ou encore Phantom Ghost. Une fois cela dit, on peut s’attacher à l’essentiel qui réside ailleurs. Sans doute dans cette dilution du silence qui habite chacun des neuf titres. On avait croisé Vincent Stockholm, suédois résident en France aux côtés d’autres artistes comme International Hyper Rythmique par exemple. Avec Early Spring Horses, c’est à son propre effort personnel qu’il nous invite, une expérience qui relève du lâcher-prise. Sans tomber allègrement dans des clichés géographiques, on retrouve dans sa musique ces pays du Nord dont il provient. Ces climats changeants au sein d’une même structure.
Que cela soit la presque dénudée Early Spring Horses en ouverture ou son complément Across The Roaring Forties qui rappelle le Winter By Lake d’un certain Nicolas Cancel, c’est à un dérèglement de nos sens que nous invite le suédois avec cette capacité à évoquer le plus petit détail dans un presque rien. Le piano de Chaos In My house ressemble tant au chant solitaire de l’oiseau du petit matin que seuls les lève tôt ou les couche-tard peuvent entendre. Vincent Stockholm, lui qui enfant, battait la campagne pour enregistrer avec une petite caméra les chants de la nature. C’est précisément cela qu’il parvient à reconstituer avec humilité, discrétion et un talent sans cesse remarquable.
Tout relève de la patience ici, de l’infinie sensibilité chuchotée, d’une pudeur qui tolère la transparence. Bien sûr, l’on cerne vite que les troubles de la nature sont une délicate allégorie de nos propres angoisses. Voir un arbre ployer sous le vent, c’est un peu percer toute la force d’un désespoir qui ne se dira jamais complètement.
What the wood whispers to itself est fait de milles et un détails telle cette merveille qu’est The Bark au milieu du disque avec cette harpe hors du temps et des genres pour une berceuse qui ne dépareillerait pas sur The Snow Abides, ce projet commun entre Antony Hegarty alias Anohni et Michael Cashmore. C’est au-delà de la délicatesse, au-delà de la fragilité, un instant de répit entre le songe et le réveil.
Vincent Stockholm cite volontiers en influences Sigur Ros ou encore Shearwater, on comprend bien pourquoi à l’écoute du lumineux Vintersolstand pour cette même observation minutieuse des saisons qui passent. Sans doute Vincent Stockholm a-t-il en commun avec Jonathan Meiburg cette passion des oiseaux, du monde qui l’entoure et qui donne à ses images les saveurs de l’authentique.
Il n’y a pas de plus suffisante conclusion que ce Voyager’s trail qui ressemble à s’y méprendre à un mantra, un ode primitif à celui qui prend son courage à deux mains et à deux pieds pour plonger dans l’inconnu.
Vincent Stockholm, avec Early Spring Horses, signe un projet bien à lui où certains devineront quelques références somme toute évidentes qui n’empêchera pas de sentir le grand frisson que l’on ressent face à la beauté pure et sincère.
Greg Bod
Early Spring Horses – What the wood whispers to itself
Label : Send The Wood Music
Sortie le 18 novembre 2016