Monnot part en bateau (pirate) avec Marc Morvan. Le voyage s’annonce beau et grand à l’image de cet album pop folk signé d’un des meilleurs songwiters français actuels.
Marc Morvan est la distinction incarnée. Voilà c’est dit ! Le genre de gars qui fait l’unanimité. Pas le consensus mou… non… l’unanimité ! Comme disons, j’y vais fort exprès, Elliot Smith ou Nick Drake… par exemple… en moins connu mais beaucoup plus vivant alors ce serait dommage de ne pas en profiter !
Pas la peine de jouer ou chanter fort, inutile d’en faire des caisses non plus. Un arpège de six-cordes folk ou classique, deux-trois arrangements baroques, une guitare électrique qui traîne dans un coin du studio pour gonfler un poil l’affaire et clic-clac l’affaire est dans le sac. C’est un peu énervant mais à pleurer de beauté.
On pourrait le soupçonner de composer dans le canapé, pieds posés sur la table basse du salon, quand le reste de la maisonnée dort tant se dégage de ses compositions feutrées une nonchalance gracieuse et un naturel assez désappointant genre allez j’en ponds une petite dernière le temps que mon tilleul-menthe refroidisse et je vais me coucher !
Nous avions laissé Morvan il y deux ans avec le très beau Ophélia, 5 titres co-signés avec Ben Jarry, adaptation musicale de passages de Hamlet pour un projet théâtral avorté. Nous le retrouvons en cette fin d’année avec un nouvel album, The Offshore Pirate, dont le titre est tiré d’une nouvelle éponyme du grand Francis Scott Fitzgerald qui narre les aventures d’une jeune héritière gavée et capricieuse se faisant enlever lors d’une party « offshore » sur un yacht par un pirate qui (attention spoiling/révèlgachage ) au final se trouve être le beau gosse déguisé à qui elle est promise par son oncle mais dont, par rébellion contre le vilain système, elle ne voulait pas entendre parler ! Vous suivez… en fait lui n’est qu’une victime momentanément collatérale… et ils s’aimèrent et tralalala…
De là à élever un pont étrange entre les deux jeunes femmes à priori fortes mais fatalement rattrapées par leur destin… comme dirait Ophélie trempant de larmes iodées le cadavre de Papa-Polonius encore agrafé au rideau… il n’y a qu’à faire un saut à la rivière… et plouf… ha ha ! Nous conviendrons juste que l’héroïne de Fitzgzerald sur ce coup s’en tire mieux que celle de Shakespeare.
Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’Ophelia s’achève sur le très calme Battlefield en version instrumentale et que The Offshore Pirate s’ouvre sur ce même morceau, chanté ce coup-ci d’une voix grave, tout aussi dépouillé en un peu plus folk façon Dylan sur la B.O. de Pat Garrett et Billy The Kid... très subtil.
On pourrait invoquer nombre de songwriters talentueux anglais et américains mais ce qui ressort au premier plan, c’est la patte de Marc Morvan reconnaissable entre pas mal, triturant comptines enfantines, orage grondant, mélancolie et un évident goût pour les passages instrus psychés pleins de cordes façon Velvet.
Ce qui est évident également, c’est qu’ici tout est faux-semblant, stucs, trompe-l’œil et que le velours chaud-caressant (velours/velvet… astuce discrète) est en fait plaqué sur une bonne vieille dalle de marbre bien glaciale. The Offshore Pirate est un dandy romantique, assez dix-neuvième… byronien presque… introspectif et perdu au fin fond du Far West !
Après tout ça, je pense qu’il ne serait pas idiot de filer se procurer le nouvel album de Marc Morvan dans les plus brefs délais.
Stéphane Monnot
Marc Morvan – The Offshore Pirate
Label : Les disques de l’Artisan / Microcultures / Differ-Ant
Sortie : 2 décembre 2016
Vu hier en concert à Brest…. C’est trés très beau et d’une générosité totale