Bien plus qu’une autobiographie, la jeune auteure Julia Kerninon livre une ode à la lecture et une déclaration d’amour à ses parents qui lui ont ouvert les portes d’un monde merveilleux où les livres et les mots sont rois.
Attention ! Après la lecture de ce livre, une seule envie : suspendre le temps, se lover dans un plaid bien chaud, un thé fumant à la main et se replonger dans les livres importants qui ont jalonné votre vie. Julia Kerninon réussit une véritable performance. Qu’il est particulièrement difficile de mettre des mots sur son amour de la littérature sans tomber dans le poncif et la formule grandiloquente. Mais la Nantaise n’est pas du genre à se gargariser de grands mots. C’est plutôt dans les petites actions du quotidien, les petites phrases entendues dans l’enfance et l’exemple parental qu’elle arrive à nous fredonner sa douce chanson. Une mélodie du bonheur orchestrée avec brio. Dans un monde moderne où tout va trop vite, elle ralentit le rythme et livre un hymne au temps libre et à la contemplation.
Le livre comme un refuge. “Ma vie je la passe à lire des livres pour remettre des choses en place, pour me déplier…” L’enfance de Julia Kerninon comme un doux cocon. Entre une virée parisienne dans les allées de la poussiéreuse librairie Shakespeare and Company et des voyages qui formeront la jeunesse de Julia. Et quand elle commence à parler de ses aspirations d’écrivaine, la sentence maternelle claque : “Tu prétends que tu veux être écrivaine, mais il y a longtemps que je n’ai pas entendu le bruit de ta machine à écrire. Il va falloir se mettre au travail, parce que c’est ça que font les écrivains, ils travaillent qu’est-ce que tu imagines.” Ce qui aurait pu engendrer du découragement devient un moteur. La jeune femme écrit frénétiquement. Encore et encore. Parce que si lire peut se faire dans la douceur et la contemplation ; écrire, en revanche, est un travail besogneux. Et une question d’endurance.
Julia Kerninon raconte alors le long chemin, sans idéaliser et c’est la grande force de ce court récit. Les petits boulots saisonniers pour pouvoir lire et écrire le reste de l’année. Parce que l’artiste ne vit définitivement pas d’amour et d’eau fraîche ! Le précepte de cet “homme très aimé” résonne en elle chaque jour : “L’important, c’est d’avoir du temps libre – pour la caillasse, tu sauras forcément te débrouiller – mais le temps libre, il faudra toujours le braconner.“
Braconner le temps libre dans une société qui veut, trop souvent, nous inciter à croire qu’une minute d’inaction est une minute perdue. Qui va piano, va sano… Aller sûrement mais lentement, mission devenue impossible dans notre monde moderne où tout doit se faire vite. Et si on essayait de reprendre ce temps qui nous échappe semble nous enjoindre la romancière. Effectivement, à quoi cela sert-il d’être sans cesse en action si on ne prend pas le temps de réfléchir un peu ? De l’action à l’agitation, il n’y a qu’un pas. Et sans réflexion, tout cela devient très vite vain. Alors, braconnons le temps libre ! Lisons ! Et du Kerninon, c’est encore mieux !
Delphine Blanchard
Une activité respectable
Julia Kerninon
Éditeur : Le Rouergue
64 pages, 9,80 €
Date de parution : 04 janvier 2017