Staline, sa maîtresse et l’artiste qui doit signer son portrait officiel. Un ménage à trois pervers sur fond de psychanalyse. L’idée de départ d’adapter le roman de Jean-Daniel Baltassat était plutôt bonne mais, à l’arrivée, le film manque de limpidité.
Si ce samedi soir-là au cinéma Le Concorde à La Roche-sur-Yon, Fanny Ardant, dans son costume de réalisatrice, n’était pas présente pour livrer l’explication de texte de son film, la spectatrice que je suis n’aurait rien compris à cette œuvre alambiquée. À ces images obscures. À ce propos parfois abscons. Quand mademoiselle Fanny Ardant donne les clés, tout devient enfin limpide mais n’est-ce pas l’aveu même d’un objectif raté ? Quand l’artiste a besoin des mots pour nous expliquer ses images, c’est qu’il est déjà trop tard. Le spectateur n’a pas été embarqué. Et c’est bien dommage parce que ce que livre la réalisatrice est d’une intelligence et d’une pertinence à toute épreuve. Mais elle aurait sans doute dû écrire un essai sur cette histoire romancée de Staline.
De plus, Fanny Ardant semble se faire déborder par ses comédiens. La direction d’acteurs n’est pas son fort. Gérard Depardieu, pervers dans le rôle du dictateur soviétique, déverse ses phrases comme s’il lisait un prompteur. Emmanuelle Seigner monologue comme dans la pire des pièces de théâtre. Et le pourtant très bon acteur Paul Hamy n’est pas dans son meilleur rôle. Comme une sensation que ça sonne faux ! Que ce film est trop théâtralisé. Que les répliques manquent d’âme. Un peu comme la moustache de Gérard Depardieu, postiche qu’on a envie d’arracher.
On peut malgré tout reconnaître à la réalisatrice d’avoir su instiller une âme slave à son film. Tant dans les décors somptueux. Que dans la mélancolie des personnages. On sent que Fanny Ardant a lu Tolstoi, Dostoïevski et Tchekhov mais il ne suffit pas de vouer un culte aux grands auteurs pour devenir une grande cinéaste. Non, décidément, Fanny Ardant excelle comme actrice, un peu moins comme réalisatrice. Le cadrage est trop formel. La mise en scène fade.
Seul restera le charisme de cette grande dame, là devant nous, son regard noir déterminé qui transperce. Cette artiste libre et provocatrice. Il faut lui reconnaître cela. Faire jouer à Depardieu, en 2017, le rôle de Staline quand on sait l’attachement de l’acteur à Poutine et à la Russie. Montrer l’horrible personnage, despote et manipulateur. Dire en sous-texte que le monde de demain doit être divers et ouvert à tous les peuples. Oui Fanny Ardant a le mérite de clamer cela. Dommage que son film ne soit pas à la hauteur de son engagement, de sa liberté et de son incandescence !
Delphine Blanchard
Le Divan de Staline
Film français réalisé par Fanny Ardant
Avec Gérard Depardieu, Emmanuelle Seigner, Paul Hamy
Genre : drame historique
Durée : 1h32
Date de sortie : 11 janvier 2017