Rencontre avec Matthew Swanson et Tony Crow du groupe Lambchop

Interview XXL avec deux membres de Lambchop pour revenir sur la déjà longue carrière du groupe, pour évoquer le dernier album Flotus, pour parler de la musique d’aujourd’hui mais aussi de l’élection de Trump.

Lambchop

Quand on parle de Lambchop, ce  collectif de Nashville, on pense tout de suite à Kurt Wagner, compositeur et patron du projet mais Lambchop serait-il Lambchop sans Matthew Swanson à la basse et Tony Crow au piano. Sans doute que non… On a voulu leur donner pour une fois la parole sous le regard amusé et bienveillant de Kurt Wagner qui n’était jamais loin.

Greg Bod : Comment fonctionnez-vous au sein de Lambchop ? C’est une grande entreprise démocratique ou vous suivez l’esprit créatif de Kurt Wagner ?

Tony Crow : Au début, c’était un peu quelque chose comme un club du dimanche, on se réunissait dans le garage de Kurt, histoire de voir du monde. Beaucoup d’entre nous travaillaient dans le bâtiment et exerçaient des métiers difficiles, et donc le week-end la musique nous servait de refuge. Kurt a beaucoup contribué à tout ça. Oui, clairement Lambchop fonctionne de façon démocratique.
Matthew Swanson : Oui c’est vraiment une démocratie. Souvent Kurt nous propose une démo déjà bien avancée sur laquelle on est libres de faire ce qu’on veut. On est amis depuis plusieurs dizaines d’années, on s’entend vraiment bien et on a plus ou moins la même vision des choses, ça joue beaucoup dans la création musicale.

Matthew, comment a commencé l’aventure Lambchop pour toi ?

Tout a commencé en 1999. Je travaillais pour la société Chandelier, qui est une société qui loue du matériel de musique. C’était très sympa, on pouvait voir des concerts, on allait déposer des amplis puis on les récupérait plus tard. Je connaissais déjà Kurt, il jouait dans un autre groupe à l’époque, Posterchild, et en plus on avait des amis en commun. J’ai vu Lambchop souvent en concert durant cette période où Marc Trovillion jouait de la basse dans le groupe. J’adorais ce qu’ils faisaient. À l’époque Mark Nevers m’a demandé de participer à l’enregistrement de Nixon pour jouer sur deux ou trois titres. Peu de temps après, j’entends frapper à ma porte. Kurt se pointe, je lui dis : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? »,  il me dit : « Ramène ta bass demain chez moi ! « . C’était un peu un baptême du feu puisque le lendemain, je me pointe comme convenu chez lui et cela ressemblait finalement à un joyeux traquenard car je me suis retrouvé face à un public avec entre autres ses potes, les membres de Yo La Tengo au grand complet. Plutôt terrifiant pour moi, mais un beau moment de pression en somme. C’était un bon moyen de commencer Lambchop. On est maintenant les plus vieux membres de Lambchop.

Lambchop Matthew Swanson Kurt Wagner
Matthew Swanson et Kurt Wagner

Chacun des disques suivent des pistes bien différentes, certes dans le détail. Avec Flotus, c’est clairement une révolution. Comment avez-vous abordé ce disque plus complexe que les autres ?

Tony Crow : Notre approche avec Matt n’a pas été très différente que sur les autres disques finalement. Tout est parti d’Hecta. Pour Hecta, il y avait Kurt, Ryan Norris et Scott Martin. Donc on est parti de leurs premières bases électroniques qu’ils ont joué Live et on a commencé à improviser à la bass et au piano…
Matthew Swanson : C’est vrai que même si le disque sonne différemment des autres, le procédé de travail était le même… Tony est arrivé avec une démo à travailler. On a commencé à l’examiner et à bosser dessus. Tony était super occupé par la production d’un disque de B.J Thomas. Hecta, c’était plus le projet de Kurt avec Ryan et Scott mais il était temps pour un nouvel album de Lambchop. Personnellement, j’aime de plus en plus cet album. J’en ai fait plusieurs avec Lambchop et c’est souvent comme ça, plus je les écoute, plus je les aime.

Tony, au même titre que Flotus est une révolution, avez-vous conscience que le son de Lambchop a beaucoup évolué avec votre arrivée dans le groupe ?

Tony Crow :  Ce n’était pas intentionnel. Je n’avais pas beaucoup participé aux enregistrements de Nixon. J’avais apporté quelques éléments sur What Another Man Spills. Sur The New Cobweb Summer, dans Is a woman, en plus des 4 membres originels de Lambchop d’alors, il y avait encore d’autres musiciens qui donnaient à ce disque et ce titre un son très étoffé, ma présence au piano était d’abord discrète et au fur et à mesure avec Kurt, on a épuré, ce qui est très difficile à faire car il y avait de très belles idées que l’on a laissé en cours de route. Lentement, la production du disque s’est beaucoup centrée autour du piano. C’était pas intentionnel, mais c’est comme ça que ça a évolué, et de là, les autres parties sont plus ou moins passées au second plan.
Sur la grande majorité des disques, Kurt a bossé avec Mark Nevers Pour Flotus, il a bossé avec lui sur les démos à Nashville mais la production du disque en studio, il l’a faite avec Jeremy Ferguson. A peu de choses près, il a occupé aux côtés de Kurt la même place que Mark Nevers.

 

petit aparté pour revenir sur l’album Is A Woman  :

Dans une discographie, il y a les albums que l’on aime et les grands disques que l’on vénère. Chez Lambchop, certains citeront Nixon, d’autres I hope you’re sitting down. Et si nous prenions le contrepied avec ce Is a woman sorti en 2002. Entendu un petit peu sur Nixon, c’est à partir de Is a woman que l’on peut dire que Tony Crow prend sa pleine dimension sur ce disque très centré autour de son piano comme il le dit d’ailleurs lui-même. Avec Nixon, Lambchop avait prouvé aux plus sceptiques que le groupe n’était pas qu’un ensemble de musiciens vaguement Country en allant se colleter avec la Soul et les musiques noires, collaborant avec Curtis Mayfield ou glissant des clins d’œil dans leurs compositions au créateur de Superfly. Is a woman est un peu le négatif de Nixon, album à la fois flamboyant et très orchestré. Kurt Wagner et Tony Crow signent une grande œuvre d’épure, à mi-chemin entre le Jazz, la Pop de chambre et les grands frissons. Car des grands frissons, il y en a quelques-uns comme ce I can hardly spell your name avec la voix presque étranglée de Wagner, ce Caterpillar tout en tension retenue, un My Blue wave qui ose jouer avec la longueur et la langueur. Assurément un des grands grands disques de Lambchop.

Après Nixon, JFK… Peut-on dire qu’il y a une dimension politique chez Lambchop ?

Tony Crow : Absolument ! La femme de Kurt fait partie du parti démocrate au Tennessee, et le morceau JFK en a encore rajouté un peu à notre set. Pendant qu’on enregistrait, on voyait comme un genre de Funky jam, mais c’est quelque chose de plus profond et d’intime maintenant…
Matthew Swanson : Pour être honnête, il m’a fallu plusieurs mois avant de comprendre les paroles de Kurt. A force de les entendre chaque soir en tournée, cela devient plus évident pour moi. Il fait des références au travail politique de sa femme. D’ailleurs la main sur l’épaule de Marie. ça pourrait être n’importe qui, on ne sait pas qui c’est !
Tony Crow : C’est Obama.J’ai vu la photo qui a inspiré le dessin à Kurt.
Matthew Swanson : C’est vrai ?
Tony Crow : Oui, oui, c’est la main d’Obama.
Matthew Swanson : Je savais pas, on voit pas sa tête.
Tony Crow : Ben c’est Obama. (Rires des deux)

A l’époque où vous composiez Flotus, vu d’Europe, il semblait évident qu’Hillary Clinton serait élue. Quel regard portez-vous sur l’élection de Donald Trump et cela dit quoi des Etats-Unis d’aujourd’hui ?

Matthew Swanson : C’est un sujet délicat. Personnellement je ne veux même pas avoir à prononcer son nom. Je suis horrifié, je suis bien content de ne pas être scotché devant CNN ou la BBC car tout cela est tellement anxiogène pour tellement de gens. C’est un désastre. Ce monsieur ne sera jamais mon président et ne me représentera jamais. Quand on l’a appris, on était en tournée, il y avait quelque chose de presque surréaliste, comme une fin du monde, quelque chose de très violent. Ça m’a vraiment choqué. C’est un désastre qui n’aurait jamais dû se produire. Je prenais les choses un peu avec légèreté parce que je pensais qu’Hillary allait gagner. Flotus était un jeu de mots sur First Lady of The United States et For Love Often Turns Us Still. Quand un drame intervient, on prend conscience de l’insouciance dans laquelle on se trouvait, on ne la regrette pas, on se sent presque coupable de l’avoir ressentie.  J’aurais jamais pu deviner ça, je ne m’y attendais vraiment pas. Je suis horrifié et ça m’inquiète beaucoup. Et puis le fait d’être si loin de chez soi alors que cette élection est venue tout chambouler, cela donne un caractère irréel à l’ensemble. J’ai hâte de rentrer chez moi pour soutenir mes proches.
Tony Crow : Je n’ai pas grand-chose à dire. Je m’attendais à ce qu’on nous renvoie chez nous et que l’OTAN se ligue contre nous. Rien de moins.
Matthew Swanson : On a toujours des mamans géniales au pays. Nos parents s’inquiétaient que les choses ne dégénèrent pour nous et qu’on doive rentrer chez nous. Vous savez, on est en tournée depuis tellement longtemps, ça fait du bien parfois de prendre du recul sur les médias.On ne sait pas trop vers quoi l’on va mais en tournée, je ne parviens pas à analyser ni le pourquoi, ni le comment ni à envisager l’avenir.
Tony Crow : On espère que la musique parviendra à préserver la paix.

Lambchop- Dena Flows
Dena Flows

Vous avez collaboré avec Curtis Mayfield. On connaît votre passion pour la musique black, la Soul en particulier. Considérez-vous que des artistes comme Kendrick Lamar ou Franck Ocean perpétuent un héritage ou bousculent-ils le patrimoine ?

Tony Crow : C’est plutôt un respect de cet héritage. Il faut remercier Marc Trovillion pour ça, c’était un grand fan de Rythm’n’Blues et de Soul. Il a forgé une belle partie de la culture musicale de chacun des membres du groupe et puis avec Nixon, on avait monté un groupe sans Kurt et on avait commencé à faire des reprises de standards Soul, puis Kurt nous a rejoint. Et c’est comme cela qu’est né Nixon. Pour Flotus, c’est différent, c’est partie presque d’une nuisance sonore. Kurt a des voisins très fans de Hip Hop, les Witherspoon. Tous les soirs, Kurt s’installait sur sa véranda pour fumer des clopes, il y avait toujours ce fond musical étouffé venant de chez eux qui petit à petit a forgé sa culture Hip-Hop. C’est de là que vient la référence urbaine et la partie Hip-Hop de l’album. Mais on reste tous de grands fans de la Soul. Il y a une référence à leur maison dans le morceau In care of . Là encore, j’imagine qu’il y a plusieurs degrés de compréhension pour cette chanson. C’était des voisins de longue date, ils sont restés là jusqu’à ce que la maison devienne inhabitable et tombe en ruine. Kurt y parle de décrépitude mais ce n’est pas seulement une maison qui tombe en morceau, il y parle aussi de la maladie et du cancer qui rongeait Marc Trovillion malheureusement disparu depuis. Ce sont des textes très hermétiques et très ouverts en même temps. Bien sûr, musicalement, notre background musical, c’est plus la Soul music venant du sud des Etats-Unis plus que le Hip Hop contemporain qui nous touche aussi.
Matthew Swanson : Marc Trovillion a vécu à Memphis et a été fortement influencé par le son du label Stax ou encore Sun records, il était baigné là-dedans, il est pour beaucoup à l’origine de cette couleur Soul sur les premiers disques de Lambchop comme What Another Man Spills ou Nixon. J’arrive toujours pas à croire qu’il soit parti. On a perdu récemment beaucoup d’amis très proches  à cause de cette saloperie de cancer. La femme de l’ingénieur du son qui a enregistré ce disque  mourait du cancer  et cela a, bien entendu, beaucoup influencé les textes de Kurt.

On sent à l’écoute de ce disque après plus de 20 ans de carrière l’envie de se renouveler encore et encore, de surprendre votre public ? Comme quoi on peut être des vétérans et continuer à expérimenter ?

Matthew Swanson : Kurt s’inspire beaucoup de Ryan Norris  et Scott Martin qui sont plus jeunes avec lesquels il a collaboré sur Colab et Hecta… En parallèle comme on l’a déjà dit, Kurt entendait les grosses basses hip-hop de ses voisins lorsqu’il sortait fumer, cela collait avec son intention de collaborer plus étroitement dans la composition avec Ryan et Scott et donc il a voulu essayer. C’est clair que la piste choisie était très différente, mais cela nous a  tout de suite emballés.

Tony Crow : Je crois bien que le renouvellement du son de Lambchop trouve une explication dans le changement régulier du Line up de Lambchop. Cela a du bon car cela apporte une énergie nouvelle aux compositions. Le principe de Lambchop, c’est que cela rentre et cela sort, William Tyler par exemple qui parfois privilégie sa carrière solo et parfois nous rejoint ou en studio ou sur scène, les relations entre nous, avant même d’être artistiques sont surtout du domaine de l’amitié. On a souvent les mêmes points de vue, et pas simplement au niveau artistique et culturel, mais aussi au niveau du respect et de la considération envers les autres. Une manière globale de voir la vie  en somme !

lambchop

On dit souvent que rien de nouveau n’est apparu depuis plusieurs années dans la musique. Étés-vous d’accord avec cette hypothèse ? Le renouveau dans la musique ne peut-il pas venir de la technologie ?

Matthew Swanson : En ce qui me concerne, j’ai toujours été en retard : il y a tellement de musique à découvrir que j’ai l’impression que je n’arriverai jamais jusqu’à la musique d’aujourd’hui (Rires). La technologie a toujours fait évoluer la musique depuis toujours, ce n’est pas une idée neuve. Un instrument qui apparaissait au 15ème ou au 16ème siècle, c’était un nouvel apport technologique. Donc bien sûr, la technologie est source d’inspiration et de renouveau en musique mais en même temps je crois que je ne suis peut-être pas la meilleure personne à qui il faut demander ça. Comme vous en parliez plus tôt, j’aime beaucoup Kendrick Lamar, mais je ne sais même pas ce qui se fait actuellement en matière de musique aux États-Unis. Aucun de mes postes de radio ne fonctionnent, donc je suis coincé avec mes vinyles des années 60. (Rires). Par contre, je suis un vieux briscard qui croit encore en l’idée de l’ensemble d’un disque et pas un titre que l’on pioche ici et là.

Tony Crow : Moi, je cherche toujours de nouvelles choses à écouter, que ce soit du Gangsta rap de ou des groupes de garage, d’ailleurs il n’y en a plus assez ces derniers temps (Rires). Je fais peu de différence entre ce que je propose dans Lambchop en tant que musicien et la techno et le Hip Hop par exemple même si cela peut sembler éloigné. Quand tu es en capacité de maîtrise d’un instrument, les frontières n’ont pas lieu d’être ou plutôt elles deviennent poreuses. Il y a finalement peu de différence à décoder un vieux Blues sur un lecteur cassette dans un hôtel miteux du Kentucky et à triturer un Helicon, on est dans le même rapport au jeu et à la découverte, à l’étonnement quoi ! Si on possède les bons outils et qu’on a la technique, il suffit d’apprendre à se servir de l’électro pour pouvoir l’introduire dans sa musique, c’est comme ça qu’on procède dans les B.O pour le cinéma ou la télé.

Quand on parle de Lambchop, immédiatement on accole le nom de Nashville, votre ville. C’est quoi le son de la scène de Nashville et comment selon vous Nashville a-t-elle acquise une si importante place dans l’histoire de la musique américaine ?

Tony Crow : La scène de Nashville a pris de l’ampleur très tôt et très rapidement. Le problème, c’est qu’en Europe, vous avez une vision réductrice de Nashville, une ville du Blues et de la Country, bien sûr c’est un peu vrai. Après, c’est vrai qu’elle a une place non -négligeable dans l’histoire des musiques populaires américaines. On l’appelle quand même Music City et c’est justifié. C’est toujours le cas aujourd’hui mais la scène est très influencée par la technologie et une vision un peu fantasmée de ce qu’était Nashville il y a 50 ans. Maintenant c’est inondé d’artistes comme Trace Adkins ou Kenny Chesney qu’on n’entendra sans doute malheureusement jamais ici, à Brest, que ce soit parce qu’ils n’auront pas cette chance, ou parce qu’ils n’oseront pas s’aventurer aussi loin. C’est devenu une grosse machine à musique avec des corporations, des radios, des maisons de disques, une industrie si tu préfères. Le problème, c’est que quand l’industrie s’en mêle, c’est toujours au détriment de l’identité et de l’originalité. Cela a pour résultat que plutôt d’avoir leur propre son, les musiciens de Nashville font finalement souvent plus ou moins la même chose. Donc s’il y a scène à Nashville, c’est pour moi plutôt péjoratif car cela a un côté un petit peu uniforme.

Matthew Swanson : C’est vrai ce que dit Tony. L’autre truc, c’est qu’il y a toujours cette idée de musique Country revisitée ou Alternate Country, mais de Country, cela n’en porte que le nom, en fait c’est surtout de la Pop, sans rien de péjoratif mais ce n’est pas de la Country. C’est souvent pas terrible. Plus jeune, la scène était moins marquée ou limitée. Quand j’étais plus jeune, je pouvais aller dans des magasins de disques Punk, on pouvait écouter des groupes géniaux quand j’étais ado. A l’époque, j’écoutais tout sauf de la Country, je la respectais mais pour moi c’était une musique de vieux. Avant à Nashville il n’y avait pas grand monde, tu pouvais aller partout où tu voulais et il y avait un certain respect pour la Country, son côté rugueux et authentique. Finalement, la vraie Country, c’est la old school avant le mélange avec la Pop. Cet esprit est toujours là mais il faut faire une différence entre la Country originelle et l’alternate Country qui n’est qu’un sous-genre de la Pop et n’a rien à voir avec la Country. Il y a des choses très intéressantes  chez des artistes qui se confrontent au patrimoine.
Tony Crow : Oui, j’ai connu un Nashville moins polissée, plus interlope, avec une scène bien différente de celle d’aujourd’hui. A l’époque pour se faire arrêter à Nashville, il fallait vraiment le vouloir, maintenant c’est plutôt l’inverse !

Quel est le pire cliché sur Lambchop selon vous ?

Matthew Swanson : Honnêtement, mes amis ne sont pas les plus grands fans de Lambchop (Rires). On peut plus utiliser le terme d’Americana qui était un beau cliché pour Flotus. On essaie de faire en sorte que ça ne devienne pas une « formule américaine » typique. Mais en ce qui concerne les clichés… Je ne sais pas, il n’y en a pas vraiment, ou alors les gens doivent savoir que je suis susceptible et ils ne m’en parlent pas. À part ma mère. Elle n’a pas hésité à me dire qu’elle n’aime pas le nouvel album ! Elle me disait « Mais où sont les mélodies ? C’est quoi cette bouillie sonore ? » Au moins, à l’écoute de Flotus, elle a perdu la mauvaise habitude de s’endormir avec le casque sur les oreilles avec la musique de Lambchop. Elle ne comprend rien à Flotus et cela me va bien comme cela, c’est même presqu’un compliment (Rires)
Tony Crow : Mes enfants adorent Flotus, à leurs yeux, c’est ce que j’ai fait de mieux. Pour ce qui est des clichés… j’en sais rien, peut-être qu’on est un groupe de country ? Une vision très anglaise quoi. Un exemple, quand on dit que The Eagles ou The Doobie Brothers, pourquoi pas Toto pendant qu’on y est ! (Rires)

Parmi vos disques préférés, en dehors de la discographie de Lambchop, quels sont cex qui ne vous quittent jamais ?

Matthew Swanson : Feline, des Stranglers. Ça fait punk, on dirait que le batteur est en pétard tout au long de l’album, et en l’écoutant, tu te dis « mais pourquoi tant de haine ? » (Rires). Il y a un son très européen dans la production. C’est sans doute pour cela que je l’écoutais beaucoup pendant les tournées européennes, donc je l’ai associé à ça, au voyage. C’était une façon de rester positif, quand on a joué à Nice, il y a quelques années, j’ai raconté à Tony cette anecdote sur Nice In Nice, ce titre des Stranglers, comment ils se sont fait arrêter et tout et tout, je me souviens avoir dit à Tony de bien se tenir à Nice. Nice in Nice, quoi ! (Rires)

Tony Crow : Pour ce qui est de la discographie de Lambchop, j’adore tout Nixon, j’aime beaucoup aussi  I hope you’re sitting down. Sinon en dehors de Lambchop car il y a aussi une vie en dehors de Lambchop, Dave Cloud, un artiste local de Nashville.

Dans une interview, vous expliquez que les titres les plus étranges de Lambchop correspondent au son plus ancien du groupe et que les nouvelles pistes vous ramènent vers quelque chose de plus acoustique. Savez-vous vers où vous souhaitez vous orienter à l’avenir ?

Matthew Swanson : On ne peut pas vraiment savoir. On pourrait aussi bien repartir vers l’ancien son de Lambchop ou poursuivre dans cette voie, je n’en sais rien. C’est Kurt qui propose les nouvelles pistes et nous, on s’inscrit dans cette recherche en lui apportant des bouts d’idée. Cela vient souvent de petits incidents, des petits pas grands choses qui s’étoffent au fur et à mesure ou parfois l’exact procédé inverse. Bien sûr, on a des ambitions. Nous deux, on veut continuer à travailler avec Kurt, mais si ça se trouve, lui voudra revenir aux sources, qui sait ?
Tony Crow : Moi j’aime bien les sons guitare/basse, je trouve que c’est une bonne combinaison, mais je trouve que ça a un peu disparu avec le piano, puis le piano a peu à peu laissé place à l’électro, et il n’y a que le chant qui est constant. Donc les morceaux dépendent vraiment du chant. J’adore vraiment le son d’une pedal steel guitare. Il n’y a pas mieux . Au départ, plusieurs morceaux n’étaient pas prévus sur Flotus, donc l’album laissait perplexe Merge Records, notre label parce qu’il n’y avait pas assez de matière. Puis Kurt s’est mis au boulot et leur a prouvé que si, il avait toujours de la matière ! Je ne peux vraiment pas te dire vers quoi nous irons dans l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que j’ai hâte de voir la suite.

Interview réalisée par Greg Bod – Traduction Marion Ogor –  janvier 2017