Avec ce premier roman (autobio-)graphique, Miguel Francisco évoque la transmission à travers quatre générations, de son grand-père à son jeune fils. Il y est question de guerre civile, de franquisme et d’exil…
Tout juste recruté en Finlande pour un poste de dessinateur, Miguel Francisco va parallèlement entreprendre une quête de ses origines dans son Espagne natale. A des milliers de kilomètres de distance, il va entamer des échanges avec son père, dont la vie a été marquée durement par la guerre civile et le franquisme qui lui a succédé.
Avec cette œuvre semi-autobiographique, l’auteur espagnol Miguel Francisco a tenté de percer le secret de ses origines – une question qui le hante depuis longtemps et continue à le hanter malgré la distance géographique le séparant de son pays – en établissant un pont entre son propre présent en Finlande et le passé espagnol de son père. Ce père dont la vie semble avoir été plombée par les silences découlant d’une douleur trop vive pour être exprimée en paroles… Témoin d’une guerre civile sanglante précédant l’arrivée au pouvoir de Franco, ce père finira par se livrer à son fils, aboutissant à un constat lucide empreint d’amertume et de regrets… On remontera encore plus loin dans le temps avec l’évocation par le père du parcours du grand-père et de son exil en Argentine.
L’auteur a-t-il réussi cette tâche difficile de mettre en lumière le passé enfoui de ses aïeux et combler ces « espaces vides » ? On peut au moins dire qu’il y est parvenu partiellement. Dans l’écriture tout d’abord, qui permet de sentir à quel point Miguel Francisco avait besoin d’exposer cette blessure qu’on ne lui avait pas infligée et qui pouvait « continuer à infecter d’autres générations ». Comme souvent, les mots libèrent les maux de l’âme, et ceux de son père, à défaut de le guérir lui-même car peut-être trop tardifs, constituent malgré leur amertume une exhortation sans nul doute salvatrice. Le père affirme pudiquement qu’il agirait différemment s’il devait revivre ces événements, sans préciser de quelle façon. Car oui, « la vie n’est qu’un souffle de moineau… » et que d’après lui, on se doit de la vivre pleinement.
Incontestablement, Des espaces vides recèle une certaine profondeur. Le dessin dans son style semi-réaliste reste plaisant et accompagne raisonnablement cette quête introspective. Par sa rondeur, il vient également adoucir la douleur inhérente au sujet développé, à savoir l’Histoire espagnole au XXe siècle. Pourtant, quelques lacunes surnagent après lecture du récit. Peut-être très absorbé par sa tâche, l’auteur, malgré toute la sincérité de la démarche, semble avoir négligé la narration qui semble par moments tourner un peu à vide. De même, ce roman graphique sur la transmission doublé d’un hommage aux aïeuls peine à émouvoir, ce qui est un peu dommage, et le mode de traitement laisse une vague impression de déjà vu, sans rien dégager de vraiment marquant. Cela ne signifie pas que l’objet ne soit pas digne d’intérêt, notamment pour les remarques évoquées plus haut, mais c’est comme si, pour reprendre le titre, des espaces restaient encore à remplir… C’est toutefois avec une certaine attention que l’on suivra cet auteur, qui signe ici sa première BD.
Laurent Proudhon
Des espaces vides
Scénario & dessin : Miguel Francisco
Editeur : Delcourt
120 pages – 17,95 €
Parution : 25 janvier 2017
Des espaces vides – Miguel Francisco – Extrait :
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