La souterraine propose une collection de titres qui survolent 10 ans de l’évolution musicale de Guillaume Stankiewicz… pour apprécier encore mieux la sensibilité de cet artiste en devenir.
Jamais un disque n’aura aussi bien porté son nom car ces onze titres sont la somme de 10 années de travail. Rarement, à l’écoute d’une compilation, on aura pu voir, lentement mais sûrement, un artiste se construire un univers. On a voulu se laisser le temps d’une véritable écoute profonde avant de laisser quelques impressions sur ces 10 années de laborantin, aller chercher les ramifications et les étapes d’une œuvre en construction. Car il s’agit bien ici d’années d’apprentissage, de toujours plus de distance de la naïveté, d’une adolescence qui s’initie à la lucidité de l’adulte. Où l’on comprend aussi combien le non-dit peut dire bien plus que le trop affirmé.
Guillaume Stankiewicz est un styliste et un impressionniste qui au fur et à mesure des années a su se délester de l’artificiel et de l’accessoire. Sans doute, parvient-on à devenir personnel et particulier quand on laisse là ce qui ne nous appartient pas. Bien sûr, c’est savoir mettre à distance le confort des références pour accepter de se laisser déborder par l’accident.
Guillaume Stankiewicz travaille avec la matière et la manière, creusant toujours plus une forme d’épure. On pense à Yves Simon ou par évidence à Orso Jesenska pour cette même solarité. Chez Stankiewicz, la différence se situe dans le caractère allusif avec cette voix au maniérisme presque précieux. Rien de surprenant à découvrir que cet homme est né dans le Nord mais a grandi dans le Sud tant il se dégage un méditerranéisme distancié. Quelque chose du soleil aveuglant d’un Camus, l’irradiation d’un tableau de Matisse. A l’écoute de l’univers de Guillaume Stankiewicz, on ne parle plus en termes de références musicales mais plus en images, en souvenirs de tableaux que l’on aime. La Fiancée du vent d’Oscar Kokoschka que l’on croit retrouver dans La Nuit par exemple. Il sait jouer avec les lumières et le jeu des perspectives et des reliefs, ici saisissant une ligne claire, là une de fuite.
La musique de ce monsieur est accueillante et chaleureuse mais pas de ces chaleurs emphatiques. Bien plus, le geste pudique, la petite impression, la microscopique expression que les distraits ne voudront voir.
Il y a cette fragilité dans la musique de Guillaume Stankiewicz, cette empathie pour les battements d’un cœur affolé. Il y a aussi donc ce jeu avec la matière, rien n’est figée dans les compositions du chanteur. Ce ne sera pas cette nouvelle version de son « presque tube » Sans cesse et sans bruit qui viendra contredire cette allégation-là. Certes Les années sonnent comme un bilan, la volonté de faire le point sur le chemin parcouru mais aussi se réapproprier à la force de la patine du temps qui passe des sentiments passés.
A ce stade-là de l’exploration, on a envie de lui dire à Guillaume Stankiewicz qu’il est sans doute mûr pour un album bien à lui. Ce qui est sûr, c’est qu’aux mêmes titres que Pauline Drand, pour ne citer qu’elle, le parisien d’adoption sera un des grands auteurs des prochaines années à venir. Ces années réunies ici sont celle d’un passé conjugué au présent, on attend avec impatience et sans angoisse le futur. On le sait déjà passionnant et rayonnant.
Greg Bod
Guillaume Stankiewicz – Les Années
Label : La souterraine
Sortie le 16 janvier 2017