Avec cet album en collaboration avec Emiliana Torrini, Kid Koala donne envie de corrompre la douceur, d’aller vers toujours plus de dissonance.
Il faut bien l’avouer, dans le marché très encombré de la Pop dans son expression électronique, il est parfois difficile de trouver ce qui relève de la substantifique moelle. Jusqu’à présent, la musique de Kid Koala restait pour le moins honorable mais guère plus. Ici accompagnée de la superbe Emiliana Torrini, il donne à sa musique une attraction nouvelle pour un album, Music To Draw To Satellite, qui se gagne d’écoute en écoute.
Quitte à passer sans problème pour un vieux réactionnaire, on est en droit de s’interroger sur la réelle créativité de la musique électronique. Bien sûr, on ne se risquera pas à dire que rien de neuf n’est venu de cet univers-là, car non seulement c’est faux mais en plus, les dernières grandes novations dans le domaine de la composition sont justement venues de cette mouvance. Une fois cela dit, on peut peut-être se laisser aller à dire que l’Electro d’aujourd’hui n’ose plus, tombe un peu dans la paresse, se repose sur ses acquis ou tourne en rond. A vous de choisir dans ces propositions, celle qui vous semblera la moins injuste.
Dans les rayons Ambient Music par exemple, combien de clones de Brian Eno période Music for airports ? Combien de resucée de Gavin Bryars pour une petite poignée d’originalité. A défaut d’être adulte, ne pourrait-on pas dire que l’électro s’embourgeoise ?
Bien sûr, il y a toujours les grands labels historiques comme Warp ou encore Ninja Tune. D’ailleurs Eric San, turntablist de « formation », est une des figures de proue de Ninja Tune. On le croise depuis le début des années 2000 avec son projet Kid Koala ou encore avec Delton 3030 mais aussi avec le Gorillaz de Damon Albarn et Dan The Automator. Les travaux du canadien n’avaient pas forcément laissé une trace indélébile dans nos oreilles affamées. Pourtant, force est de reconnaître que Music To Draw To Satellite maintient notre attention de bout en bout si l’on accepte de fermer les yeux sur des petites longueurs oubliables.
En ouverture, The Observable Universe rappellera les saveurs de l’Atomos de A Winged Victory For The Sullen mais là où Eric San nous capte pleinement, c’est dans ses collaborations avec Emiliana Torrini. Aussi étrange que cela puisse paraître et malgré la douceur chuchotée de l’islandaise, on pensera souvent aux expérimentations sourdes de Clouddead ou encore aux regrettés Hood. Que cela soient Adrift avec sa basse à la Cure période Desintegration ou un Fallaway mouvant qui rappellera le meilleur de Mùm ou d’une Pop japonaise comme celle à découvrir sur le label Schole.
Les titres instrumentaux n’évitent pas toujours l’aspect illustratif et pâtissent du contraste avec la dimension habitée des morceaux où Emiliana Torrini apparaît. On pensera parfois à Bibio ou à Durutti Column pour ce folk métissé.
Il y a quelque chose de sépulcral, d’étouffé et de confiné dans Music To Draw To Satellite. Une forme de claustrophobie douce et rêche à la fois. Ce que l’on ressent à l’écoute de ces dix-huit titres, c’est finalement l’envie de corrompre la douceur, d’aller vers toujours plus de dissonance. On s’empressera toute fois d’oublier quelques facilités et autres effets de manche trop banals pour qu’on s’y attarde. On préfèrera garder en mémoire la lente litanie de The Darkest Day avec cette hantise qui grandit sans se dire.
Music To Draw To Satellite ressemble en tout point à une boucle, à un mouvement qui partirait de l’universel pour rejoindre le particulier et l’intime. Observer la voie lactée et l’immensité pour mieux s’y retrouver…
Greg Bod
Kid Koala – Music To Draw To Satellite
Label : Arts and craft
Sortie le : 20 janvier 2017