Récit d’une chaude soirée à la Cigale avec les Dandy Warhols, mais aussi Cannibale, You Said Strange, Tess Parks et des fans ultra de Brian Jonestown Massacre.
Bon alors, comment dire : les Dandy Warhols, je les avais jamais vus, c’est drôlement bien. Leur problématique, c’est que les nouveaux morceaux n’emballent pas grand monde et que les anciens foutent le feu. La Cigale était blindée ! (Petite aparté : Pavement gère ça très bien en restant dans le complet revival, les Pixies tentent assez moyennement de se remettre à composer. Chacun sa façon de voir les choses et de gérer sa rente comme il l’entend… dixit mon pote Nicolas qui m’accompagnait.)
Donc… petit côté tristounet (ils ne sont pas les seuls dans ce cas) à voir cette fille et ces trois gars s’escrimer à lutter contre les affres du temps en essayant de prouver qu’il peuvent faire aussi bien qu’il y a vingt ans alors que dans l’absolu ils n’ont qu’à balancer la patate des trois premiers albums. Malgré tout attention… très bon concert. Les Dandy restent les Warhols et envoient sévère avec beaucoup de talent tout en restant cochons comme il faut. On sent que le quatuor a de la bouteille, peu de regards échangés, tout est téléphoné, induit, chacun sa place en front de scène, Brent Deboer et sa batterie minimaliste montés sur une estrade. Leur longévité est assise sur de solides règles démocratiques et consensuelles… loin des images foldingues du temps jadis !
Anecdote : deux gamines ont déployé au balcon une banderole « We prefer The Brian Jonestown Massacre« . Alors ok c’est un peu gratuit et mauvais esprit comme geste mais ni une ni deux les roadies sont montés pour la décrocher avant que la sécu de la salle ne s’en mêle. On ne déconne pas avec les vieilles inimitiés ! Limite fasciste comme réaction. Cette histoire a donné un sacré coup de fouet à nos Dandy piqués au vif… Le We Used To Be Friends (dédié à leurs meilleurs ennemis du B.J.M.) a pris une sacrée puissance… c’était assez fun ! Un mal pour un bien. Bohemian Like You impecc… j’étais un peu venu pour celle-là faut dire.
Zia Mc Cabe ne tombe plus le haut en fin de show… preuve définitive qu’une époque est révolue.
Grosse découverte en première partie : Cannibale, les nouvelles recrues de chez Born Bad Records. Super bons. Genre Joy Division/Televison/Talking Head avec une voix à la Bowie période Let’s Dance, guitare affûtée, rythmiques saccadées et nappes de synthés… précision millimétrique… batteur torse nu et tout ! Je me suis renseigné, les mecs galèrent en Normandie depuis une vingtaine d’années, quarante piges passées et bim ! le Jean-Baptiste Guillot de chez Born Bad vient les chercher en moto et hop ! Moins violent que mes chouchous de Frustration, plus exotique et chaloupé… funky des fois… mais post-punk quand même ! Tellement c’est bien je viens d’acheter leur album alors que je pouvais l’avoir gratos : No Mercy For Love !
Avant Cannibale, il y avait un groupe qui s’appelle You Said Strange qui faisait une (très bonne) resucée du B.J.M. (justement) et des Jesus And Mary Chain avec un sosie de Patrick Dewaere à la basse et un de Kevin Shields des My Bloody Valentine regardant ses chaussures… les cheveux en tout cas… à la guitare. Le batteur avait un T-shirt de devine qui… The Brian Jonestown Massacre ! (Faut toujours regarder les batteurs.)
Et puis il y avait Tess Parks aussi. Elle s’est pointée au milieu du set des You Said Strange pour chanter et jouer de la guitare. Au début, j’ai cru qu’elle faisait partie du groupe mais que, comme elle travaillait le dimanche à Ikéa ou Castorama et que c’était justement dimanche, elle n’avait pas pu se libérer avant. En fait, c’est pas ça l’explication : Tess Parks c’est la nouvelle muse d’Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre (encore). Entre les deux premières parties, elle a récité un poème en anglais en se touchant les cheveux et en lisant sur un carnet Moleskine. J’ai rien compris mais ça avait l’air un peu Beat Génération et entre Cannibale et les Dandy Warhols, elle a joué quatre ou cinq morceaux toute seule juste avec sa superbe Vox demi-caisse rouge et sa voix grave et nonchalante. C’était assez classe, genre hippie sous morphine, sa guitare était assortie aux lourds rideaux de velours fermés derrière elle pendant que les gars s’affairaient à monter la scène pour les stars de la soirée. Ça faisait comme une cascade de sang tout ce rouge. Elle a réussi à scotcher la salle (qui pour être totalement objectif attendait aussi pas mal la montée sur scène imminente des Dandy Warhols).
Sinon j’ai essayé de faire quelques photos mais elles sont pourries et floues… sauf celle de Cannibale parce que j’avais trouvé le bon spot juste au niveau des toilettes pour hommes mais j’ai pas pu rester à cause des relents de caca. Je suis très sensible niveau olfactif. Il y a des types qui trouvent et prennent le temps de déféquer pendant les concerts… et ouais ! Surtout que là c’était lendemain de samedi et qu’ils devaient encore souffrir de leur biture hebdomadaire de la veille… bref… Les odeurs dans les salles de concert c’est compliqué. Surtout depuis l’interdiction de la clope dans les lieux publics. Alors oui c’est sûrement mieux pour nos petits poumons mais pour le reste… les chiottes, la sueur, la bière tiède et le pauvre mec qui tente malgré les interdits de fumer son joint et qui se fait gauler comme un débutant… c’est plus dur.
Nicolas et moi on a bu des pintes de Heineken à 7€ dans des gobelets consignés à 1€ à l’effigie de Bowie et Prince. On a trouvé ça cher, le barman avait même un peu honte, mais on avait soif et du coup on s’est retrouvé à faire la queue devant les urinoirs muraux et chromés (d’inspiration allemande m’a dit Nico pendant qu’on regardait les mecs de devant évacuer leur houblon). Tout ça manquait tout de même un peu de drogues et de fumées diverses pour une fête psyché. Les Acid Test de Ken Kesey, ses Merry Pranksters et du Greatful Dead devaient être un peu plus marrants.
Conclusion : Très chouette soirée autour des Dandy Warhols… sous le spectre taquin du Brian Jonestown Massacre. Comme si ça avait été fait exprès, comme si les deux formations, réunies dans l’indispensable rockumentaire Dig!, étaient malgré leurs embrouilles (surtout médiatiques j’ai l’impression) devenues inséparables dans l’imaginaire collectif.
Texte et photos : Stéphane Monnot