Les premiers seront les derniers, c’est bien connu ! Mais quand les premiers super-héros français débarquent sur la France avec leur super-pouvoirs, c’est la félicité. Pour eux. Pour la société française en crise. Le monde rêve enfin…
© John Foley
Un beau matin de janvier, Jean-Baptiste sort dans la rue. Soudain, il s’envole. Littéralement. Il vole ! Ce sera désormais son super-pouvoir. Au même moment, six autres de ses concitoyens se transforment en hommes ou femmes extra-ordinaires. L’un possède désormais une force surhumaine. Pour un autre, c’est la vitesse. Pour l’autre encore, l’invisibilité. Le pouvoir de la prophétie. Leur point commun ? Tous nés en 1983. Si vous aviez encore un doute, non, cette histoire n’est pas qu’une pure science-fiction. Pourtant, Xabi Molia tient le fil jusqu’au bout. Vous ne le prendrez pas en flagrant délit de roman à clé, avec des métaphores politiques plus ou moins subtiles. Il laisse le poison de la comparaison se distiller doucement dans l’esprit du lecteur. Mais parlerait-il de cette génération de trentenaires, nés sous Mitterrand, parfois désenchantée par les politiciens ? Qui croit bien plus en la force du collectif et des actions citoyennes ? Oui forcément, il y a de ça. Évidemment ! “À 36 ans, peu d’illusions résistent encore devant les déconvenues de l’existence.”
Il n’y aurait donc plus que des super-héros aux pouvoirs démentiels pour combattre les heures noires que vit le pays ? Certains vont se battre jusqu’au bout. D’autres vont se laisser happer par les sirènes de l’argent facile : « À part jouir, je ne vois pas… Jouir du temps qui reste. Jouir égoïstement avant la fin du monde. (…) On me fait des procès d’intention : comme quoi je suis devenu gros, et vulgaire, avec tout mon pognon, la Cadillac (…). Mes copines qui ressemblent à des putes, mes amis qui sont des oligarques et des seigneurs de guerre.” Xabi Molia prend le lecteur par le colbac et lui donne du grain à moudre.
Mais n’oublions pas la force littéraire de ce roman. Sa narration impeccable. L’épaisseur de ses protagonistes, tantôt attachants, tantôt insupportables. Il y a ceux qui rêvaient d’une vie pétillante et hors des sentiers battus : ils sont servis ! Mais assumer l’aura médiatique n’est pas si évident. Il y a ceux qui prennent leur rôle bien trop au sérieux, se prenant pour Superman ou Spiderman. En sous-texte, on peut voir ce que serait une société régie par les règles citoyennes. L’anarchie, diront certains ? Surtout, des actions collectives rattrapées par un système politique et hiérarchique indéboulonnable. Prenant ces nouveaux citoyens pour des marionnettes actionnables et corvéables à souhait. Bon, l’avenir dessiné par Xabi Molia n’est pas rose… Mais l’auteur semble lucide. Y a-t-il vraiment des raisons de rêver en rose ? “Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir”, chantait déjà l’idole des jeunes.
Delphine Blanchard
Les Premiers
Xabi Molia
Éditions du Seuil
352 pages, 19 €
Date de parution : janvier 2017