Avec son neuvième album studio, The Great Plains, le norvégien Thomas Dybdahl nous offre un disque lumineux et solaire sans être anecdotique ou inoffensif.
Quand on lit les notes d’intention de Thomas Dybdahl pour ce neuvième disque, on comprend vite que The Great Plains doit être perçu comme un album en trompe l’œil. Lui qui approche de la quarantaine voulait ce disque comme un dialogue avec lui-même, comme la pose d’un bilan d’une moitié de vie. On ne se laissera donc pas tromper par une douceur de façade ni par la pleine lumière qui se dégage de ces dix titres.
A l’image de Lambchop sur le récent Flotus ou encore Bon Iver sur son dernier disque, le norvégien tente lui-aussi l’autotune sur ce Paradise Lost en ouverture. D’entrée, on retrouve cette familiarité chaleureuse que l’on cherche dans tous les disques de Thomas Dybdahl, cette pulsation qui doit tant à la Soul d’Al Green, cette suavité qui se trouve du côté du folk d’un Nick Drake, cette vibration qui vient du Jazz. Cela coule comme quelque chose d’inoffensif, l’air de rien mais cela laisse bien des traces longtemps après.
A coup sûr, Dybdahl fait partie de cette école, de ce club très fermé des mélodistes de la mélancolie qui danse. On croit trouver des traces du Perry Blake de The Crying Room dans Baby Blue quand When I Was Young brouille la chronologie, entre effluves électro et coup d’œil dans le rétroviseur.
L’année dernière, en 2016, les orfèvres en matière d’arrangements et de délicatesse dans la composition se nommaient The Magnetic North avec leur impeccable Prospect of Skelmersdale, bel objet capable de vous faire avaler des couleuvres, de mener de front une réflexion savante avec une approche spontanée. Des titres comme No Turning Back ou Moving Pictures sont de cette école-là. Thomas Dybdahl fait de l’autotune autre chose qu’un simple gadget de modification de la voix, une autre manière de styliser l’émotion, de malmener l’harmonie. On pourrait avec justice gloser longtemps sur le travail de production sur les voix. On pensera par exemple à ce que proposait Paddy Mc Aloon sur The Gunman and Other Stories à l’écoute de Like Bonnie & Clyde, sans doute petit hommage au grand Serge.
La musique de Thomas Dybdahl est une musique de saisons, 3 Miles Harbor, par exemple convoque l’été et les pensées frivoles quand Just a little bit joue avec les géographies, entre R’N’B et musique africaine.
Sans doute, connaissez-vous cet adage qui dit que le plus grand exploit du diable, c’est d’avoir réussi à faire croire qu’il n’existe pas. Il en est de même de l’immense talent de Thomas Dybdahl qui n’a pas besoin de la démonstration ou d’un caractère appuyé qui détruirait tout.
La musique de ce monsieur doit à un savant calcul avec l’infiniment impalpable, un lâcher-prise et une porosité aux vents généreux qui passent. A vous désormais de cheminer sur les grandes plaines du norvégien.
Greg Bod
Thomas Dybdahl – The Great Plains
Label V2
Sortie le 24 février 2017